Ils sont trois sur scène, une femme et deux hommes, ils devaient être treize et jouer La mouette , mais l’un d’eux, le metteur en scène probablement, s’est suicidé. Ils ont décidé de continuer le projet, en matière d’hommage.

Ce n’est pas une nouvelle version de La mouette que propose le collectif Le Grand Cerf Bleu , mais des variations sur les thèmes centraux de la pièce de Tchekhov, l’art, la littérature, le théâtre, le comédien, les amours contrariés. Variations sur le texte, dont on croise parfois des extraits comme le début de la pièce de Treplev jouée par Nina ou la scène de la rencontre finale de Nina et Treplev, variations surtout sur le temps et sur le ton. On n’est plus dans la campagne russe de la fin du XIXème siècle, mais aujourd’hui, avec des jeunes qui font de la musique, qui se déchaînent dans la danse. Et surtout le ton n’est plus du tout le même. On est dans la trivialité du quotidien où le burlesque côtoie le drame. Dans ces trois jeunes ancrés dans notre aujourd’hui on reconnaît Treplev, Nina et Trigorine, rejoints à la fin par Arkadina. Treplev ne sait toujours pas travailler et lutter pour les formes nouvelles auxquelles il aspire. Il menace de se tuer mais Trigorine lui fait remarquer qu’on ne se tue pas avec un fusil de théâtre. Le burlesque est souvent là, avec une bouée canard qui prend la place de la mouette, un Treplev qui jette sa chemise dans la foule et chante du Johnny en grimpant sur le fauteuil du premier rang, une Nina surprise avec Trigorine, qui s’enfuit dans la salle en slip et soutien-gorge noirs.

Théâtre : non, c'est pas ça !
Théâtre : non, c’est pas ça !

On rit beaucoup, cela part un peu dans tous les sens, mais c’est plein d’énergie et la fin retrouve le texte de Tchekhov avec une Nina qui se souvient de ses désirs juvéniles de célébrité, qui parle de la douleur de se sentir jouer atrocement mal et qui, lucide et décidée, crie, hurle les mots de Tchekhov : « L’essentiel ce n’est ni la gloire, ni l’éclat ni tout ce à quoi j’ai rêvé, mais de savoir supporter, savoir porter sa croix et avoir la foi ». Il vaut mieux connaître un peu la pièce de Tchekhov pour dépasser le comique des situations. On passe alors une bonne soirée car les trois acteurs et metteurs en scène (Laureline Le Bris-Cep, Jean-Baptiste et Gabriel Tur) ont du talent.

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 17h

Le Centquatre, 5 rue Curial, 75019 Paris

Réservations 01 53 35 50 00 Se réclamer du Snes et de cet article : demande de partenariat Réduc’snes en cours


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