Après une soirée très arrosée dans une discothèque, un jeune homme fonce avec sa voiture dans un arbre. Il s’en sort sans une égratignure, mais dans son errance sur le bas-côté de la route, il tombe sur le cadavre d’une jeune fille nue et ensanglantée qui a été battue à mort. L’enquête commence avec un inspecteur conforme à tous les clichés du polar : sa hiérarchie le presse d’arriver rapidement à des conclusions, il fume trop et a un ulcère à l’estomac. D’une fausse piste à une autre, ses investigations le conduisent du milieu bourgeois où vivait la jeune fille à celui des toxicos et des dealers et au-delà, révélant une société où le mal-être gangrène les relations familiales et où la violence s’installe laissant les individus désemparés.
Fausto Paravidino, l’auteur de la pièce et par ailleurs aussi acteur de cinéma et de théâtre, a fait le choix d’un « théâtre plus curieux des individus que des thématiques qui met en scène non pour édifier mais pour raconter ». Il adopte ici un ton froid et cynique. Les scènes s’enchaînent à un rythme rapide. On est entre la violence de Tarantino et le burlesque d’Ettore Scola dans Affreux, sales et méchants .
Ce pourrait être du cinéma, mais Céline Lambert réussit à en faire un objet vraiment théâtral. En écho à cet aspect cinématographique, elle utilise très judicieusement la vidéo, une vidéo très esthétisée qui, sans masquer la violence (gros plans du corps de la victime), lui sert aussi de contrepoint. Par exemple l’introduction, montrant le réveil de la jeune morte le jour du crime, qui semble purement descriptive, révèle aussi la tristesse et le désarroi de la jeune fille. Si la vidéo suit les lieux où se déroule l’enquête, le décor tient en un fauteuil de voiture, une table, des chaises et un paravent que les acteurs déplacent rapidement, comme dans un fondu au noir cinématographique. Le jeu des lumières permet de passer d’une boîte de nuit à l’obscurité d’un fossé, des gyrophares de la police à l’intérieur déglingué de l’appartement du dealer.
Si la pièce se situe dans une tonalité noire, elle est aussi imprégnée du comique grinçant de la comédie italienne des années 60 avec ses petits délinquants très pieds-nickelés qui ratent tout. Par un jeu proche du mime, certains des acteurs (Melchior Carrelet et Mehdi Harad) jouent à fond la carte burlesque, en décalage avec le réalisme du texte qu’incarnent avec une émotion contenue Gwanaëlle Héraut dans le rôle de la mère ou Raphaël Beauville dans celui de l’Inspecteur.
Céline Lambert a réussi à faire de ce qui pourrait n’être qu’une banale histoire policière une vraie pièce de théâtre où on s’accroche à une histoire et à des personnages -même si ce sont des archétypes- et où sous le drame se cache le rire, même s’il est parfois grinçant.
Micheline Rousselet
Les jeudi, vendredi et samedi à 21h, le dimanche à 17h
Manufacture des Abbesses
7 rue Véron, 75018 Paris
Réservations : 01 42 33 42 03
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