De Heinrich von Kleist, ce jeune auteur mort suicidé à 34 ans en 1811, c’est peut-être ce portrait d’un homme dressé dans un seul but, obtenir justice et que la loi s’applique aux puissants comme aux plus humbles, dusse-t-il y sacrifier sa vie, qui reste le plus marqué dans notre mémoire.
Le marchand de chevaux Michael Kohlhaas, qui se rend à la foire de Dresde se trouve arrêté par un jeune Baron qui ne le laisse passer qu’à condition qu’il lui laisse en gage ses deux plus beaux chevaux. Á son retour Michael Kohlhaas découvre que le Baron s’est moqué de lui, a fait de ses magnifiques chevaux de parade des chevaux de labour et les a réduits à l’état de rosses étiques. Ulcéré et naïf, Michael Kohlhaas s’adresse à la justice mais que pèse un marchand face à un noble lié par sa famille aux juges ? Refusant de céder, il ira au bout de tous les recours et finira par se muer en champion de la Justice, entraînant derrière lui d’autres opprimés victimes d’injustice. Pillages et incendies font changer de camp la peur pendant un temps, mais Kohlhaas finit par regretter la violence qu’il a déchaînée car il espère toujours le triomphe de la justice. Au final les puissants resteront les puissants et l’honnête homme sera broyé par ceux qui ont les titres, la richesse et le pouvoir.
Proche du travail sur le « théâtre-récit » qu’a initié Dario Fo, le comédien et conteur, Gilbert Ponté s’est emparé de ce texte. La petite salle voûtée de pierre de l’Essaïon devient l’écrin de son travail. Pas de décor, sa voix, ses changements de ton, ses mouvements entraînent les spectateurs dans le récit et font vivre tous les personnages. Il est le marchand sur son cheval, il évoque sa femme affolée dans la salle du Palais impérial, les gardes arrogants du Baron ou les mutins bannières au poing. On est dans la tête et le cœur de Michael Kohlhaas qui voit ce en quoi il croyait, la justice et la loi, s’effondrer sous ses pieds. Les spectateurs sont au plus près de lui, suspendus à ses mots. Ils éprouvent la fierté du marchand, son indignation face au sort que fait ce petit Baron à ses magnifiques chevaux, sa colère contre l’impossibilité d’obtenir justice quand on est seulement un marchand, son refus de plier. L’acteur est magnifique et ses mots, la flamme qui brille dans ses yeux, nous lient étroitement à ce récit qui entre en résonance avec notre actualité.
Micheline Rousselet
Le lundi et le mardi à 19h45
Théâtre de l’Essaïon
6 rue Pierre au Lard 75004 Paris
Réservations 01 42 78 46 42
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