Thâtre : Les yeux d'Anna

Anna a les yeux vairons. On la dit surdouée. Dans sa classe, certains ne supportent pas son regard, son piercing au nombril, sa différence. Son ami Rachid est homosexuel et ne pourra pas la protéger quand ils lui prendront ses vêtements, lui arracheront son piercing et la laisseront nue dans la cour, corps jeté en pâture aux yeux de tous. Anna rentre chez elle et, mutique, s’enferme dans sa chambre. Ses parents sont tout aussi impuissants. Son père trop occupé par la crainte de perdre son emploi et sa mère par ses rêves, n’arrivent même plus à se parler, comme enfermés dans leur « lotissement neurasthénique ».

Thâtre : Les yeux d'Anna
Thâtre : Les yeux d’Anna

Luc Tartar, bien connu pour ses livres destinés aux adolescents, a écrit cette pièce en 2008, au moment où des jeunes filles étaient attaquées, voire tuées, parce qu’elles ne se conformaient pas à l’image que leur famille voulait leur imposer. Non conformes, regardant les hommes dans les yeux, ne cachant pas suffisamment leur corps, elles apparaissent comme les héritières contemporaines des sorcières du passé. D’ailleurs dans la pièce, des inconnus ont écrit sur le mur de la maison « dégage sorcière, du balai ! », et c’est un exposé brillant d’Anna sur Les sorcières de Salem qui a suscité le rejet de la jeune fille par ses condisciples. Dix ans après, la pièce demeure d’actualité.

Cécile Tournesol l’a mise en scène. Une vidéo en fond de scène marque l’heure, puisque l’histoire se déroule sur 24h, et les lieux, tour Jean Monnet où se trouve le bureau du père, cour ou salle des profs du lycée professionnel d’Anna et Rachid. On y voit surtout des pieds nus qui marchent suivant un chemin sinueux, peut-être ceux d’Anna, dont on ne verra jamais ni les yeux, ni le visage, une Anna enfermée dans sa chambre, comme son père, que la mère découvre réfugié dans un placard, une Anna qui aurait choisi de fuir. Cette vidéo apporte la note poétique qui éloigne de la violence de la réalité.

Tigran Mekhitarian incarne avec sensibilité Rachid, l’ami, lui aussi humilié et rejeté en raison de son homosexualité et que l’on empêchera de venir en aide à Anna. Cécile Metrich incarne une cadre récemment promue DRH et soumise à la pression des dirigeants de son entreprise qui attendent d’elle qu’elle s’attaque à la réduction des coûts, quel qu’en soit le prix humain. Julien Muller et Cécile Tournesol incarnent ce père et cette mère débordés par ce qui leur arrive.

Ce qui séduit dans cette pièce propre à plaire aux adolescents comme aux adultes, c’est que sur ce sujet du harcèlement scolaire, des violences faites aux filles et aux homosexuels, l’auteur dit aussi que la violence scolaire répond à la violence sociale. Avec cette mise en scène qui n’enferme pas dans le réalisme mais apporte une note poétique, le sujet devient universel.

Micheline Rousselet

Du 8 au 20 janvier 2019 , du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h

Théâtre 13 Seine

30 rue du Chevaleret, 75013 Paris

Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 45 88 62 22

Du 14 au 16 février 2019 au Théâtre Eurydice à Plaisir

Le 18 avril au Centre Marcel Pagnol à Bures-sur-Yvette

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