En 1934, au Royaume-Uni, des mineurs se voient, dans un cadre syndical, proposer des cours d’initiation à l’art. Certains auraient préféré un cours d’économie mais il n’y avait pas de professeur disponible ! Le professeur qui arrive, avec son nœud papillon, son projecteur et ses diapositives, se trouve face à des mineurs qui n’ont jamais vu un vrai tableau et découvre un monde qu’il ignore entièrement, celui d’hommes qui depuis leur enfance font un travail pénible et dangereux. Très vite il va abandonner son cours d’histoire de l’art pour passer à la pratique. C’est d’abord leur environnement, leur vie quotidienne que ces mineurs vont peindre, mais pas seulement. Venus là juste pour « découvrir ce que les images veulent dire », ils vont se mettre à la tâche et ce faisant apprendre à regarder, à développer leur réflexion et leur esprit critique sur l’art, mais aussi sur la société.
S’inspirant d’une histoire vraie, Lee Hall, aussi scénariste du film Billy Elliot, a écrit cette pièce magnifique. On y entend un discours sur l’art mais pas seulement. Ces mineurs découvrent que le monde de l’art les concerne aussi et n’est pas réservé à une élite fortunée. Des questions techniques on passe à d’autres questions. Pour qui peint-on ? Pour soi-même, pour un marché, pour l’argent, pour faire passer un message, pour changer la société ? Ils découvrent l’art abstrait, le monde des collectionneurs avec son aristocratie snob et les questions politiques suivent. Quelle est la valeur du travail, de quelle marge de liberté dispose-t-on ? Tous travaillent, peignent, s’interrogent et tous aspirent à une société plus juste et veulent avancer ensemble.
Les acteurs, tous très justes, cernent bien la personnalité du professeur avec sa générosité mais aussi ses préjugés et celle de chacun de ces cinq mineurs, le socialiste, le jeune chômeur, le responsable syndical qui n’arrive pas à sortir d’une vision plutôt bureaucratique des choses et celui qui lit et s’implique plus que les autres. Le dispositif trifrontal choisi par le metteur en scène installe les spectateurs au plus près des acteurs, leur donnant une place de témoin privilégié. Une vidéo indique les dates et les lieux de l’action. Les peintres posent sur le tableau du fond des toiles blanches censées être leur œuvre et qu’ils décrivent, commentent, discutent. Des cadres vides accrochés tout autour de la scène les accompagnent dans leur visite au Musée ou chez la riche collectionneuse. Magie du théâtre, on n’a pas besoin de voir les peintures pour suivre ce qui se passe dans la tête de ces hommes.
Quand la pièce s’achève, les grandes avancées sociales de l’immédiat après-guerre ont été en partie balayées par Margaret Thatcher et ses successeurs. Les mines ont fermé mais le Musée qui présente les œuvres des mineurs au charbon est toujours là et tandis que les acteurs entonnent en chœur un hymne au « working hero », on découvre enfin ces peintures.
Un magnifique moment d’humanisme et de fraternité, une ode respectueuse à ces mineurs dont le combat est passé par l’art et la culture.
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h
Théâtre 13 / Seine
30 rue du Chevaleret, 75013 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 45 88 62 22
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu