La France est une République laïque qui a instauré depuis 1905 la séparation de l’Église et de l’État. Pourtant dès qu’il s’agit de légaliser l’avortement, d’instaurer le mariage pour tous ou de légiférer sur le port du voile, les intégristes de tous bords partent à l’assaut. Face à cette radicalité les laïcs s’agacent et s’insurgent à leur tour. La laïcité, qui devait donner à la démocratie française un cadre juridique permettant à chacun de croire ou de ne pas croire et de vivre selon ses convictions sous la protection d’un État neutre, devient un enjeu de dispute et d’exclusion.
Inquiet de voir « le drapeau de la laïcité brandi à tout bout de champ d’un côté à l’autre de l’échiquier politique pour justifier tout et son contraire », François Rancillac a passé commande à une jeune écrivaine en résidence à l’Aquarium, Mariette Navarro. Soucieuse de ne pas tomber dans un théâtre purement documentaire, elle a imaginé une fable où une femme cherche comment sortir du piège : lutter contre la poussée des religions de tous bords sans se laisser enfermer dans un anticléricalisme primaire qui met en péril la liberté de conscience et l’acceptation de la diversité. Cette femme a repéré, dans une manifestation, des femmes à la dégaine étonnante, qui vont l’entraîner dans une agora de sorcières. Aujourd’hui comme hier, ce sont les femmes qui se trouvent partout dans le monde les plus attaquées pour hérésie et leur corps ou leur façon de se vêtir est au centre de la bataille. Mais cette femme va-t-elle trouver auprès de ces sorcières la voie qui lui permettra de sortir de son dilemme ?
La couleur du texte va varier. Poétique au début quand la femme , (Stéphanie Schwartzbrod), placée au milieu des spectateurs les interpelle, perdue dans les ténèbres d’une ville où tous veulent l’attraper au nom du Christ, d’Allah ou de Jehovah, pour la mettre sur le chemin de Dieu. Passant à l’humour noir ensuite quand les trois sorcières vont entrer dans le jeu. La pièce va faire une place aux multiples raisons qui permettent de condamner les femmes au nom des atteintes au dogme. On les accuse d’être des sorcières capables d’utiliser les plantes, des petites nonnes qui se dénudent, des femen qui dévoilent leurs seins ou chantent du rock dans une église, des femmes adultères qu’il faut lapider et bien d’autres choses encore car les motifs d’accusation abondent. On leur reproche de ne pas voiler leur corps ou de trop le couvrir (burkini). Il y a aussi une martyre (Andrea El Hazan), qui vante la recherche de la pureté, la voie du salut et de la solidarité et qui va évoluer !
Dans sa mise en scène, François Rancillac a joué sur les costumes et les lumières pour créer un univers sombre, celui des sorcières, ou faussement lumineux et coloré, celui de la martyre. On peut regretter que les sorcières confondent un peu invective et cris. Mais sur ce sujet, le retour du religieux, qui occupe beaucoup les scènes théâtrales cette année, l’approche est originale et le final réconfortant ! Ce n’est pas auprès de ce sabbat de sorcières que la femme va trouver la paix, mais dans un « cercle hérétique » où les femmes et les hommes s’émanciperont, penseront librement et n’auront besoin ni de Dieu ni du Diable.
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h
Théâtre de l’Aquarium
La Cartoucherie
Route du Champ-de-Manoeuvre, 75012 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 43 74 72 74
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