Après avoir mis en scène Macbeth, Anne-Laure Liégeois a souhaité mettre en scène un autre couple uni par la soif du pouvoir. Elle a pensé au couple Ceaucescu qui a imposé à la Roumanie, sous couvert de communisme, une dictature féroce de 1965 à 1989. Avec une police politique qui surveillait tout, jusqu’à la vie privée puisqu’il fallait assurer la croissance de la population, le désir de transformer Bucarest par des travaux pharaoniques, des obsessions comme celle de rembourser la dette, ils ont acculé la population à la misère et à la famine. La metteure en scène a passé commande à David Lescot d’un texte sur ces époux, qui seraient incarnés par deux acteurs qu’elle avait choisis dès le départ, Agnès Pontier et Olivier Dutilloy. Ils sont tous deux excellents et ce pari, un peu fou, est pleinement réussi.

Théâtre : les époux
Théâtre : les époux

Lorsqu’on entre dans la salle, sur fond de musique folklorique, les deux acteurs sont sur scène en costume traditionnel roumain, lui avec une chemise brodée et elle en jupe fleurie, couronne de fleurs sur la tête. Chacun raconte au micro l’enfance et la jeunesse de l’autre. Au départ un homme et une femme qui n’ont rien d’exceptionnel. Elle n’est ni belle, ni laide, a des résultats scolaires médiocres, lui n’est pas très intelligent et bégaie ! Mais ils vont se servir du Parti communiste ainsi que de la maîtrise des media pour grimper vers le pouvoir.
David Lescot a écrit un texte empreint d’un humour très noir. On rit de ce couple de parvenus très bling-bling. Lui collectionne les médailles, qu’on lui octroie partout dans le monde, et les ours qu’il tue lors des chasses présidentielles, s’enorgueillissant d’en avoir tué plus que ses hôtes. Elle collectionne les titres universitaires qu’elle obtient par la menace ou par la grâce de sa position de femme de Président, vole les cuillères en or à l’Elysée lors d’une visite officielle et s’insurge de ne pas y avoir été logée ! Mais on s’indigne aussi de leur arrogance, de leurs caprices et de leur mépris sans vergogne du peuple. On s’étrangle de la facilité avec laquelle ils s’arrangent avec les grands de ce monde, Nixon, la Reine d’Angleterre, le Général de Gaulle, jouant des rivalités URSS-USA et on n’est guère surpris de les voir s’entendre si bien avec d’autres dictateurs en Argentine, en Chine et en Corée.
La mise en scène et la scénographie d’Anne-Laure Liégeois sont très réussies. Sur la scène, deux chaises et deux micros dans lesquels parlent parfois les acteurs, car les Ceaucescu, elle surtout, ont toujours été soucieux de contrôler leur image. Les trois murs sont des écrans sur lesquels passent les avions des chefs d’Etat qui les visitent et à qui ils font signe, des images de foule, la parade de Pyong-Yang en leur honneur. Des panoramiques nous emmènent sur les ruines des quartiers de Bucarest touchés par le tremblement de terre, sur le chantier de la reconstruction d’un Bucarest que le couple veut monumental avec au centre le Palais le plus vaste du monde. Des meutes de chien renvoient aux tragédies et à la fin, c’est devant des écrans où s’affichent les vrais Ceaucescu, que les acteurs assis sur de toutes petites chaises d’enfant, assistent à leur procès. Des dictateurs craints partout redevenus ce qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être, de bien petits personnages.

Micheline Rousselet

Mardi, vendredi à 20h30, mercredi, jeudi et samedi à 19h30
Théâtre 71
3 place du 11 novembre, 92240 Malakoff
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 55 48 91 00


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