Artistes et créations belges francophones sont particulièrement nombreuses dans le festival off d’Avignon de l’été 2022, au point qu’une brochure spécifique de 84 pages leur est consacrée « Les artistes de Wallonie-Bruxelles à Avignon ». Parmi les créations de grande qualité, émerge particulièrement l’adaptation théâtrale du récit ‘’Le rêve d’un fou’’ (Ed. du Fleuve 2019), conçu par l’écrivaine belge Nadine Monfils, auteure renommée de plus de 80 romans et polars, ayant notamment reçu le Prix spécial du Salon International du Livre de Poche pour l’ensemble de son œuvre.

L’histoire de cet homme hors du commun, que son entourage disait fou, nous est racontée comme par le facteur lui-même, interprété ici par Elliot Jenicot avec talent, émotion, et une voix largement capable de couvrir le bruit du vent, des cigales ou des oiseaux dans les arbres avoisinants, malgré la chaleur parfois accablante… le metteur en scène Alain Leempoel, ayant fait le choix judicieux de présenter ce spectacle en plein air, sur un fond de vieux mur, où on peut facilement imaginer la construction évoquée.

Sur ce décor naturel, quelques échafaudages et brouettes de cailloux, comme ramassés au fil des tournées quotidiennes de 33km, viennent parfois s’insérer discrètement avec la coopération du plasticien Philippe Doutrelepont. Sans la moindre parole, comme issu de la mémoire du facteur lui apportant son courrier, celui-ci interprète aussi le rôle d’un peintre imaginé par l’auteur. Il est présenté comme étant une des rares personnes ayant accueilli avec sympathie le facteur lors de ses tournées, ayant pu jouer un rôle stimulant de son imaginaire et de sa volonté pour la construction du ‘’palais’’, contribuant à surmonter la réalité des drames réels qui ont marqué sa vie : la mort de son premier fils à l’âge d’un an, puis de son épouse 8 ans plus tard, et enfin de sa fille unique d’un second mariage, Alice, morte à l’âge de 15 ans, à qui il dédiera son palais…

Un subtil mélange de fiction et de réalité de ce qui est connu de la vie du facteur Cheval, aux limites pas toujours immédiatement décelables, caractérise ce texte renforcé émotionnellement par l’histoire de la rencontre avec le peintre imaginaire puis de son décès et de ce qui en résultera.
Le metteur en scène, qui est aussi un remarquable comédien, interprétant notamment le rôle du président Macron dans la création de Julien Gelas, Le jeu du président (au Théâtre du Chêne noir, voir notre présentation), a habilement introduit quelques expressions en voix off pour ce qui pourrait être des souvenirs de propos entendus par le facteur, émanant principalement du peintre ou surtout de sa fille (voix enregistrée de Mathilde Pigeolet).

Ces moments, et quelques courtes rares ponctuations musicales (extraits d’une Gnossienne d’Erik Satie), constituent de très brèves respirations dans l’interprétation quasi ininterrompue pendant 1h30 d’Elliot Jenicot, maintenant en haleine le spectateur, magistralement, avec une professionnalité qui signe le pensionnaire de la Comédie-Française, d’autant que n’ayant eu le temps que d’une courte préparation pour remplacer Pierre Pigeolet empêché juste avant les premières représentations par un souci de santé…

Un spectacle qui ne peut laisser indifférent aucun public et permet de multiples réflexions …

Philippe Laville et Sylvie Haton, le 24 juillet 2022

Création au festival Avignon Off 2022, au Théâtre des Halles, rue du Roi René
jusqu’au 30 juillet, à 11h (durée 1h20 à 1h30), dans l’Espace jardin (réservation 04 32 76 24 51)
www.theatredeshalles.com

En tournée ensuite :
> 2, 3, 4 et 5 août au Château de l’Ermitage à Wavre (Belgique),
> 14 août 2022 au Festival «Bruxellons !» – Château du Karreveld – La Cour (Belgique) 

Diffusion internationale francophone à partir de juin 2023. Contact pour diffusion :
Kim Tran, kim@panachediffusion.com

Images Panache Diffusion (©) et illustration affiche Charlélie Couture.

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