Aujourd’hui les jeunes Français se sentent bien éloignés de la guerre, qui pourtant gronde encore de l’autre côté de la Méditerranée. L’idée de Raymond Acquaviva a été de porter un regard sur les deux guerres mondiales, qui ont marqué l’histoire de la France au XXème siècle, à travers des chansons populaires, imprimées dans les mémoires, auxquelles il a ajouté quelques pages de grands auteurs. En confiant cette création à des jeunes comédiens, il les a encouragés à prendre le relais du souvenir en mêlant émotion, larmes et rires.
La succession des chansons et des quelques textes est construite de façon si fine que cela devient une leçon d’histoire où l’émotion conduit à l’intelligence des événements. La guerre de 1914 d’abord où, oublieux de celle de 1870, la plupart des jeunes gens se jettent avec enthousiasme. Les destructions, les hommes fauchés par les canons, la boue des tranchées, le sang, la mort omniprésente, vont vite faire disparaître cette vision de la guerre comme une fête. À l’enthousiasme du Chant du départ succède vite la perte de l’espérance avec la lettre à Lou d’Apollinaire ou le poème d’Aragon Tu n’en reviendras pas. La chanson de Craonne ou La Butte rouge signent la révolte des poilus contre l’injustice de cette guerre. Pour la guerre de 1939-1945 les chansons vont faire écho à la « drôle de guerre », aux restrictions qui frappent le peuple des villes, tout comme à la Résistance ( L’affiche rouge et Le chant des partisans ) et à la déportation ( Le chant des marais ). Et la troupe terminera sur le poème d’Eluard Liberté et sur la chanson immortalisée par Maurice Chevalier, Fleur de Paris.
Sur scènes des sacs de jute sur lesquelles semblent sommeiller quelques drapeaux tricolores. Au mur un uniforme bleu horizon et un casque. Les comédiens s’en empareront pour certaines chansons. Pour d’autres les filles sont en robes longues (guerre de 14) ou en robes fleuries des années 40 et les garçons en chemise blanche et pantalon noir. Sur le mur du fond de scène des vidéos en noir et blanc nous plongent dans chacune des époques, départ des trains, tranchées, images des combats de la première guerre mondiale, discours d’Hitler, saccage des magasins tenus par des commerçants juifs. Le son joue aussi son rôle avec le bruit des canonnades et des sirènes ou le claquement des bottes allemandes défilant. Le ton martial alterne avec l’accent des paysans. Une accordéoniste (Aude Giuliano, en alternance) accompagne les comédiens-chanteurs.
Les huit comédiens (4 hommes et 4 femmes) sont aussi de très bons chanteurs. Les textes alternent avec les chansons, aux soli succèdent des moments choraux, l’émotion fait place au burlesque. On rit beaucoup à la lettre à Paul Déroulède ou à la Symphonie des semelles de bois que les filles font claquer avec ironie et on a le cœur brisé en écoutant la lettre de Michel Manouchian à Mélinée. Il y a des moments d’émotion intense, par exemple pour La chanson de Craonne où les acteurs démarrent comme épuisés par les assauts successifs pour peu à peu se redresser et hausser le ton poussés par la révolte contre cette guerre. Le sursaut est toujours là après le désespoir. À L’affiche rouge succède Le chant des partisans.
Une soirée où on retrouve avec délice des chansons connues, et où on en découvre d’autres, chantées et dites par une troupe pleine d’enthousiasme et de talent, dans une mise en scène très évocatrice, quoi de mieux pour une passionnante et émouvante leçon d’histoire.
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h
Théâtre 13 / Seine
30 rue du Chevaleret, 75013 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 45 88 62 22
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