En 1987 dans un petit village imaginaire proche d’Alger, Samir a crée le Haram Cinéma, le cinéma le plus illégal d’Algérie, où il fait vivre les plus grands baisers du cinéma, ceux que la censure a coupés. Trois règles président aux destinées du lieu : pas de femme, ne jamais raconter ce qui s’y passe et ne pas révéler l’identité de Samir. La vie du Haram Cinéma, avec ses fans, suit son cours jusqu’au jour où Leïla s’y glisse. Elle veut connaître la fin de Casablanca qu’elle vient de découvrir. Samir finit par céder et ils vont continuer à se voir, la nuit, sur la terrasse de la maison de Leïla. Ils s’aiment, mais Leïla est la fille du Colonel Ben Saada et Samir n’est qu’un de ces jeunes sans avenir dont l’Algérie regorge.

Théâtre : La main de Leïla
Théâtre : La main de Leïla

Aïda Asghazadeh et Kamel Isker ont écrit et jouent cette histoire qui a des airs de conte oriental et de tragédie shakespearienne. Mais ce n’est pas seulement à la famille que se heurtent ces Roméo et Juliette algérois, c’est à une société gangrenée par le conservatisme religieux, le machisme, les pénuries, une situation politique chaotique, un pays où l’avenir des jeunes est plombé par le chômage et l’absence d’avenir et où la révolte gronde. Par une foule de petits détails très justes, c’est Alger qui vit sur la scène avec cet humour si particulier des Algériens, capables de rire des difficultés du quotidien, avec leurs espoirs et leurs révoltes. On retrouve l’esprit de Fellag, mais aussi un joli hommage au cinéma, à Casablanca et Humphrey Bogart, et la magie des contes orientaux.

La mise en scène de Régis Vallée, qui a beaucoup travaillé avec Alexis Michalik (sur Le Porteur d’Histoire en particulier), crée l’univers où vont évoluer Leïla et Samir : des bidons pour l’eau qu’il faut vite recueillir, quand elle veut bien couler, un rideau de bandes de plastique qui sépare les espaces, un fil à linge qui devient barre où s’accrocher dans le bus, les hommes profitant des chaos pour tenter de frôler les femmes, un drap sur lequel Samir projette les films comme dans les cinémas de village autrefois, des caisses en plastique qui deviennent banc ou barricade que Leïla escalade en robe de mariée comme dans un rêve à la fin.

Azize Kabouche incarne les personnages qui accompagnent les deux amants, la grand-mère de Samir, qui alterne railleries et récriminations, avec rouerie, pour obtenir ce qu’elle veut de son petit-fils, le Colonel impérieux, sûr de son statut d’homme et de gradé, le flic servile qui tente d’obtenir des petits avantages. Mais ce sont surtout Samir et Leïla qui séduisent. Aïda Asghazadeh, avec ses noirs cheveux bouclés, est une belle Leïla, déterminée et prête à toutes les audaces pour l’amour de Samir, mais coincée par les décisions de son père, qui ne sauraient être contrariées dans une société aussi patriarcale que l’est celle de l’Algérie. Kamel Isker est Samir, ce jeune homme fou de cinéma et de Leïla, qui se débat avec une énergie folle pour pouvoir vivre son amour, vivre tout court.

On sort de la salle émus par cette pièce qui éclate de vie, de couleurs, de tendresse et d’humour, et qui est servie par de très bons acteurs.

Micheline Rousselet

Du 23 septembre au 12 novembre, du mercredi au samedi à 19h, le dimanche à 15h

Du 15 novembre au 31 décembre, du mercredi au samedi à 21h, le dimanche à 15h

En tournée ensuite

Théâtre des Béliers Parisiens

14bis rue Sainte Isaure, 75018 Paris

Réservations : 01 42 62 35 00

Se réclamer du SNES et de cet article : demande de partenariat Réduc’snes en cours


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