Gorge a eu, dans son enfance, une période perturbée par ses fluctuations amicales à l’égard de son voisin de pupitre et ami, Paul, leader de la classe.
Ce qui ne l’a pas empêché, parvenu à l’âge adulte, d’être ce qu’on appelle «un type bien», toujours enclin à aller vers ce qui paraît juste.
Mais un jour, il se retrouve face à une situation délicate, un véritable dilemme. Son employeur est au bord de la faillite et c’est à Gorge dont le pouvoir s’est amplifié, de choisir : le sauver ou le sacrifier.
C’est alors que le mensonge se présente comme une solution et vient perturber ses convictions morales.
Gorge est entre temps, devenu un homme puissant à la fortune colossale mais son passé va lui revenir en boomerang.
Dans sa pièce qui se présente comme une épopée, l’auteur britannique Dennis Kelly dresse dans une langue acérée, le tracé du cynisme en marche, de la tentation du pouvoir, de la puissance décomplexée et libérée de tout principe éthique.
La structure du texte, les enjeux, les personnages brouillent les pistes et apparaissent d’une grande complexité .
Ce pourrait être le procès d’un individu dont les actes sont condamnables ou les derniers moments de la vie d’un «monstre», le destin d’un héros tragique.
Mais Gorge est tout à la fois un lâche, un homme intègre jusque dans la trahison, une victime et un tyran.
Dans ce labyrinthe narratif, entre récit réaliste (et drôle, magnifiquement joué par Julien Honoré) et des basculements subits de décor et d’atmosphère, la pièce flirte, ici et là, avec l’onirique et le surnaturel et un rapport au temps pas toujours logique.
Le texte de Dennis Kelly peut s’attarder longuement sur un simple détail et traverser dix années avec une seule réplique.
C’est drôle, enlevé, pathétique, brutal et émouvant et si l’interprétation est un peu inégale, on savoure l’abattage capricieux de Marie-Armelle Deguy et la prestation brillante de Julien Honoré dans le rôle d’un étrange narrateur dont on ignorera jusqu’au bout s’il est un acteur ou un témoin.
Une pièce qui renvoie au monde dans lequel nous vivons et qui interroge bien au-delà des questions de société.
Francis Dubois
Théâtre du Rond- Point – 2 bis Avenue Franklin Roosevelt 75 008
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 44 95 98 21
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu