Qu’est-ce qu’un acteur et comment le devient-on ? Maxime d’Aboville, qui terminait ses études d’avocat, sans être pleinement convaincu, découvre Michel Bouquet au cinéma dans le film d’Anne Fontaine, Comment j’ai tué mon père, et est séduit et intrigué par cet immense acteur. Lorsque sort le livre d’entretiens que Michel Bouquet a écrit avec son partenaire Charles Berling, Les joueurs Maxime d’Aboville en apprend des passages par cœur et l’envie de les présenter sur scène se précise. Dans ces entretiens se dessine le portrait d’un homme qui disait à propos du public « Ils ne viennent pas nous voir jouer, ils viennent jouer avec nous », un homme attachant qui peut intimider car il est exigeant et attaché à sa liberté, mais un homme pour qui jouer est tout.
Maxime d’Aboville est assis sur une chaise. Derrière lui une paroi de métal dont les couleurs irisées ouvrent à l’imaginaire. Par sa voix Michel Bouquet, en digne héritier du paradoxe du comédien de Diderot, parle. « Au théâtre je dois être au service du personnage … Je dois l’écouter et ne pas mettre mon grain de sel sinon le personnage s’en va, je fais du Bouquet et c’est beaucoup moins bien ! ». Une simple illustration à propos de Marlon Brando éclaire son propos « Il fait le parrain, il ne l’est pas ». Il explique aussi comment il est arrivé à ce métier, la guerre, le froid, les dénonciations, l’héroïsme des résistants et pour lui, encore adolescent, la découverte du théâtre. Il avait tout de suite su que c’était cela qu’il voulait faire, lui le mauvais élève surnommé « Au piquet » et les petits miracles qui s’enchaînent, la rencontre avec Maurice Escande et Camus, qui à la sortie du Conservatoire, lui propose de jouer Caligula avec Gérard Philipe, tout juste sorti du Conservatoire lui aussi. Il y avait trouvé son chemin pour être un individu libre, ce à quoi il aspirait passionnément.
Maxime d’Aboville n’est pas Michel Bouquet, il joue Michel Bouquet. Il se met à son service quand il parle avec admiration d’une vieille tragédienne capable de dire Racine sur une seule note et il nous la fait entendre. Il joue Claude Chabrol s’exaspérant devant l’incapacité de son acteur à réaliser des choses de la vie courante. Il se lève, marche, sourit à l’évocation de moments drôles ou s’enflamme. Le spectateur se dit « c’est lui et c’est pas lui » car il n’imite pas sa voix, cette voix si reconnaissable que l’on entend brièvement. Et à la fin quand Maxime d’Aboville joue la scène où il est allé voir Michel Bouquet pour lui proposer son texte et que celui-ci lui a dit, probablement inconsciemment, ce que Maurice Escande lui avait dit la première fois qu’il l’avait entendu « Vous avez une bonne voix, vous avez une bonne diction » on n’est pas surpris.
Maxime d’Aboville n’est pas Michel Bouquet mais il a reconnu en lui une perception du monde similaire à la sienne. Même si l’ancien dit au début du spectacle, « une génération n’apprend rien à une autre » on trouve chez le plus jeune le même goût de la réflexion et du travail. Il joue Michel Bouquet et un vertige délicieux envahit le spectateur.
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 19h
Théâtre de Poche Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse, 75006 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 45 44 50 60 67
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu