Dennis est marié à Sandra et Albert à Margaret depuis plus de cinquante ans. Deux vieux couples parfaits qui sont aussi très amis. Mais quand Dennis meurt, Sandra appelle Albert et lui dit que c’est lui qu’elle a toujours aimé. Albert révèle à Margaret qu’en fait il aime Sandra, alors que Margaret était attirée par Dennis. Cela paraît bien convenu et pourtant l’auteur et le metteur en scène nous entraînent dans la ronde complexe de la vie et de ses ratés que l’on regrette toujours.
Le texte du jeune auteur russe, Ivan Viripaev est polyphonique, multipliant les flash-back où se révèlent des bribes de la vie des quatre personnages, leurs petits mensonges, ceux que l’on se fait à soi-même pour préserver sa tranquillité d’esprit, pour ne trahir ni sa femme, ni son mari, ni son ami. Mais où est la vérité ? L’amour ne peut-il être que réciproque, comme ils le proclament ? Et la pièce s’achève sur une interrogation «Il doit bien y avoir un minimum de constance dans ce monde ». Dans ce jeu sur le vrai et le faux, la rationalité abandonne parfois le terrain, les émotions introduisent le bazar, l’humour est souvent au rendez-vous et l’imaginaire vient mettre son grain de sel.
Le texte polyphonique d’Ivan Viripaev a inspiré le metteur en scène bulgare Galin Stoev, qui est artiste associé au Théâtre National de la Colline et au Théâtre de Liège et a signé plusieurs mises en scène à la Comédie française. Il lui a semblé relever presque d’un «cubisme dramatique» et lui a donné l’idée de diffracter les quatre personnages entre treize acteurs. Ceux-ci incarnent parfois l’un des personnages, mais la plupart du temps ils le racontent. Ils glissent du récit à l’incarnation tout en continuant à parler d’eux à la troisième personne, ils poussent dehors un des personnages pour prendre sa place et enrichir le portrait ou le récit d’une situation. C’est assez vertigineux. Il y a de l’humour, des surprises : l’irruption d’un kangourou sauteur et boxeur à l’évocation d’un voyage en Australie et celle d’un extraterrestre coiffé d’un sèche-linge orné de boules de mousse multicolores, gants de ménage verts et fouets de cuisine en mains.
Pour cette mise en scène il a travaillé avec treize jeunes comédiens tout juste sortis de l’ESAD, une école de théâtre. Ils sont dynamiques, savent danser, certains chantent (on peut saluer la très belle prestation de Nelly Lawson chantant Cry me a river) . À les regarder, on se dit que le théâtre a encore un bel avenir.
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h
Théâtre de l’Aquarium
La Cartoucherie, Route du Champ-de-Manœuvre
75012 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 43 74 99 61
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