Victor Hugo avait deux filles. Léopoldine, l’aînée, « sa plume et sa lectrice », pour laquelle il écrira Les contemplations, meurt noyée avec son mari à 19 ans. Adèle, de six ans sa cadette, sera internée après le retour d’exil de Victor Hugo et le restera jusqu’à sa mort à 85 ans. S’inspirant de la biographie d’Hugo, de ses poèmes et de ses très nombreuses lettres, Filip Forgeau fait revivre ces deux femmes au destin tragique.
Dans une ambiance crépusculaire, elles errent comme des ombres, du grenier, où elles se cachent jouant à se faire peur, à la salle à manger où l’immensité de la table ne fait pas obstacle à leur amour. Elles parlent de leurs jeux, Adèle évoque l’amour de son père pour Léopoldine, qui séduisait tout le monde et qu’elle compare à un cygne, et se demande ce qui restait pour elle, « la colombe sombre et mélancolique ». De Hauteville House, la grande maison blanche de l’exil près de la mer, on ne verra rien, seulement le fantôme des deux jeunes filles qui y vécurent. On entend les bruits de la maison, le tic-tac de la pendule, le vent, le bruit des ailes des oiseaux et des vagues, « des mélopées étranges et envoûtantes, des coups frappés parfois », ces bruits nocturnes auxquels Victor Hugo était si sensible. Adèle vêtue de blanc et Léopoldine de noir, évoluent dans un monde lyrique, tragique et mystique où l’on invoque les esprits des morts. Dans ce monde sombre et romantique, à l’image des dessins fantastiques d’Hugo, le réel se faufile parfois avec les secrets et les rires échangés, mais il reste à l’état d’évocation subtile dans cette élégie délicate. Soizic Gourvil incarne une Adèle qui passe de l’exaltation à la mélancolie, de la tendresse à la jalousie puis à la folie. L’élégante silhouette noire de Laurianne Baudouin évoque tous les espoirs anéantis par la mort. Derrière leurs échanges, c’est Victor Hugo que l’on ne cesse d’imaginer et, dans le silence final, c’est la voix de Daniel Mesguich qui nous emporte dans l’émotion, tandis qu’il dit le poème écrit après la mort de Léopoldine, « Demain dès l’aube à l’heure où blanchit la campagne« .
Micheline Rousselet
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L’Épée de Bois
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