Faire comprendre la crise financière et économique qui a démarré en 2008 grâce à une pièce de théâtre, qui plus est écrite en alexandrins, c’est le défi auquel s’est confronté l’économiste Frédéric Lordon, directeur de recherche au CNRS et membre actif du Mouvement des Économistes Atterrés.
Sur la scène 6 acteurs et une actrice – des banquiers, un trader, le Président (Sarkozy à l’époque) et sa femme Carlita, des conseillers et le Premier Ministre – mêlent les explications et les justifications les plus cyniques des mesures prises pour lutter contre la crise. Un conseiller pourvu de lunettes rouges (il se fait d’ailleurs traiter de communiste) remet en question avec ironie les solutions adoptées. Ce n’est jamais didactique, c’est traité sur le mode de l’humour, de la caricature. Pourtant tout y est, les banques qui accumulent des crédits toxiques puis se font renflouer, sans contrepartie, par l’État, faisant par là même exploser la dette publique. Il ne reste plus au capitalisme libéral triomphant qu’à reprendre la spéculation avec l’argent accordé si généreusement et à exiger des politiques de rigueur pour réduire la dette.
L’ironie – les annonces régulières « attention dans cette station des pickpockets sont susceptibles d’agir », le banquier parlant avec tendresse des traders en les appelant « mes chenapans » – alterne avec des constats cinglants toujours en alexandrins :
« Vos actes sont parlants surtout leur hiérarchie
qui disent l’ordre où les gens sont servis
d’abord les créanciers, le peuple s’il en reste
voilà en résumé la trahison funeste »
La mise en scène de Luc Clémentin joue la carte de l’humour. Banquiers et conseillers aux ordres de la finance sont en bermuda avec veste, cravate et chaussettes de superman. La chanson vient renforcer les propos : Carlita (Alexandrine Monnot) chante quelqu’un m’a dit , se trompe un moment et entonne L’Internationale , son mari l’interrompant vite en lui rappelant que cela fait un moment qu’elle n’est plus de gauche ! Au discours de Sarkozy, dont on entend la voix « On ne rétablit pas la confiance en mentant mais en disant la vérité » répond la chanson du film Le parrain « Parla più piano … nessuno sa la veritá » chantée par tous les acteurs. Ils sont tous très bons, qu’ils jouent le Président Sarkozy, (Loïc Risser imitant à la perfection ses tics de langage « j’peux pas … j’préviens… »), les conseillers (Luc Clémentin et Alain Veniger) ou les banquiers, le trader ou le Premier Ministre (Denis Ardant ou Gérald Cesbron, Simon Bellahsen, Didier Boulle), glissant du sérieux au clownesque.
Ils devraient convaincre et pourtant à la fin c’est la voix de Macron qui remplace celle de Sarkozy et il ne reste plus aux acteurs qu’à entonner bouche fermée « el pueblo unido jamás sera vencido »
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 20h45, le dimanche 15h, plus le vendredi 7 décembre à 14h30
Théâtre de la Reine Blanche
2 bis passage Ruelle, 75018 Paris
Réservations : 01 40 05 06 96
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