Au Théâtre de l’Odéon, Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, auteurs, acteurs, performers et metteurs en scène basés à Rome, présentent Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni , inspiré par une fiction policière de Petros Márkaris, Justicier d’Athènes . Ce spectacle sera suivi de Il cielo non é un fondale du 9 au 18 décembre.
En Grèce, quatre retraitées qui n’ont plus de quoi vivre décident d’en finir ensemble, en avalant un cocktail de vodka et de somnifères. Elles laissent sur la table leurs cartes d’identité et un mot « Nous partons pour ne pas vous donner d’autres soucis ». Elles espèrent ainsi « aider la société, débarrassée de ce fardeau, à mieux vivre ». On ne sait rien d’elles sinon leur nom, leur âge et leur fin tragique.
Sur la scène vide, noyée d’ombre avec la seule lueur froide d’un néon et trois chaises alignées contre les murs, les quatre comédiens, mains nues, entrent. Les spectateurs ont l’impression d’être sur le plateau en train d’assister au travail de création du spectacle. Les comédiens les interpellent et s’interrogent sur la possibilité de représenter ce drame. Comment en tant qu’artiste parler d’aujourd’hui de la crise, de « l’inutilité » des personnes âgées, comme des artistes d’ailleurs, dans un monde dominé par des impératifs de compétitivité et de réussite sociale ? Une série d’allers et retours commence entre réflexions sur le spectacle en train de se faire et geste des quatre « petites vieilles ». Des questions esthétiques rencontrent les questions morales et politiques. Leur suicide est-il seulement un geste désespéré ou un appel à ceux qui peuvent encore se révolter ? Comment restituer ce geste politique, faire sentir l’environnement, les gens qui fouillent les poubelles, qui ne peuvent plus se soigner, comment les faire vivre ? Avec une grande délicatesse, en s’attachant aux détails, les acteurs font vivre et bouger les quatre retraitées. C’est parfois drôle, comme l’image de la vieille dame qui s’endort devant la télé, la tête renversée et la bouche ouverte, parfois tragique comme lorsqu’on les voit se fondre toutes couvertes de noir dans un univers tout aussi noir. Les quatre comédiens imaginent ce qu’elles ont pu faire ou penser. L’une se demande, au cas où elle serait la dernière à mourir, comment elle le supportera, une autre remarque que cela fait si longtemps, depuis la mort de son mari, qu’elle n’a pas été couchée dans un lit auprès de quelqu’un. On a le cœur serré mais on rit aussi, car il y a beaucoup d’humour dans les interpellations du public par les comédiens.
Daria Deflorian et Antonio Tagliarini nous invitent à refuser de nous laisser emporter dans la débâcle d’un monde où le marché tend à étendre son empire, de l’économie à la société, à refuser de nous contenter d’écouter des paroles qui nous disent que cela va s’arranger, en un mot à dire NON. Une heure de spectacle intelligent et stimulant.
Micheline Rousselet
En Italien, surtitré
Du mardi au samedi à 20h, dimanche à 15h
Odéon-Théâtre de l’Europe
Ateliers Berthier
1 rue André Suarès (angle du Boulevard Berthier), Paris 75017
Réservations : 01 44 85 40 40
Se réclamer du Snes et de cet article : demande de partenariat Réduc’snes en cours
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu