Mike Leigh, surtout célèbre comme réalisateur de cinéma, est aussi connu comme dramaturge au Royaume-Uni. Satire des aspirations, des goûts et du désir de paraître de la middle class qui émerge alors, Abigail’party, créée en 1977, a été jouée de nombreuses fois au théâtre et adaptée pour la télévision dans son pays d’origine. Gérald Sibleyras l’a adaptée en Français la tirant, parfois de façon excessive, vers le théâtre de boulevard.
Dans la banlieue de Londres, Beverly a invité à une soirée ses nouveaux voisins, un jeune couple, Tony un technicien de maintenance informatique et sa femme Angela, infirmière. Elle accueille aussi une voisine divorcée, Susan, installée dans la rue depuis longtemps et priée de laisser le champ libre chez elle pour la party que donne sa fille pour ses quinze ans. Même si tous semblent appartenir à la middle class, les différences sociales sont bien présentes. Beverly vit confortablement grâce aux revenus de son mari Peter. Très fière de sa décoration, du confort de sa cuisine, de son élégance, elle veut impressionner ses jeunes voisins moins à l’aise. Elle passe la soirée à pousser ses hôtes à boire et à fumer, même quand ils n’en ont pas envie, flirte ouvertement avec Tony, impose ses goûts musicaux et décide de ce que chacun doit boire et faire. Totalement insupportable, elle passe son temps à contredire et à rabaisser son mari, dont les goûts sont un peu plus raffinés que les siens. Quant à Suzanne, au fur et à mesure de l’avancement de la soirée, on sent bien qu’elle aimerait mieux être ailleurs, mais elle ne sait pas dire non. L’alcool aidant, la violence des relations conjugales transparaît dans cette soirée catastrophique.
Thierry Harcourt, qui met en scène la pièce, nous place dans le salon très années 1970 de Beverly et Peter, fauteuils de cuir voulus par lui, édition reliée cuir de Shakespeare, qui ne semble pas avoir été lu, mais qu’il exhibe pour rabaisser Tony, gadget d’un goût douteux pour présenter les cigarettes, choisi par elle ! Comme musique imposée par Beverly, le metteur en scène a choisi Julio Iglesias, ce qui est un peu anachronique ( à l’origine à la télévision, c’était Demis Roussos).
Lara Suyeux est Beverly, monstre vide et égoïste. Le personnage est certes insupportable, envahissant et tyrannique, mais le jeu constamment dans l’excès de l’actrice lui enlève toute la finesse qui serait nécessaire pour comprendre les failles du personnage quand elles apparaissent enfin. Alexie Ribes tire le personnage d’Angela, certes gentille et serviable, vers une parfaite nunuche, éblouie par son hôtesse et dominée par son mari. Cédric Carlier est Tony, le footballeur peu disert, mal à l’aise dans cette soirée. Dimitri Rataud incarne Peter, qui accepte les caprices de sa femme et fuit dans le travail pour avoir la paix, jusqu’au moment où il explose. Séverine Vincent dans le rôle de Susan est la plus juste, ses regards complètent ses silences. Elle est celle qui réussit le mieux à résister au torrent de paroles et aux gesticulations de Beverly et à faire comprendre en peu de mots toutes les frustration de ce petit monde médiocre.
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h
Théâtre de Poche Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse, 75006 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 45 44 50 60 67
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