
Quand Lelia, Colin et Florent se sont retrouvés dans l’appartement de leur mère décédée, ils se sont rappelés qu’elle ne souriait guère, qu’elle ne se confiait pas plus, ils se sont simplement saisis des bribes de souvenirs qui émergeaient de sa vie, celle d’une de ces femmes que l’on dit « invisibilisées ». C’est dans le silence des paumes de leur mère Maryse qu’ils vont trouver la trace de son labeur, mais aussi des corps que ses mains ont caressés et aimés, car les bouches des gens modestes parlent souvent moins que leur corps. Par la voix de chacun de ses enfants, on entendra les échos de la vie de Maryse, si caractéristique de l’existence de gens modestes : épouse d’ouvrier, obligée de renoncer à ses études car devenue trop jeune mère de deux enfants, veuve qui se démène pour trouver un emploi, concierge puis vendeuse sur un marché, un troisième enfant né parce que son corps s’est rappelé qu’il pouvait encore aimer, et enfin un emploi de secrétaire qui, du fait d’un patron maniaque et tyrannique, s’est avéré n’être pas le graal espéré.
Dans le silence des paumes est le quatrième volet d’un cycle, commencé par la Compagnie Le nez au milieu du village avec Étienne A (critique sur le blog), consacré à la marchandisation des individus les plus modestes avec la robotisation de leurs corps soumis à des cadences infernales, à des gestes répétitifs et à des horaires excessifs. Le texte de Florian Pâque, fruit d’une commande de la Poudrerie de Sevran, s’appuie sur un travail documentaire réalisé avec les deux autres acteurs de la compagnie, Loelia Salvador et Nicolas Schmitt, auprès des habitants de Sevran, femmes de ménage, concierges, maraîchères, employées. Ces témoignages, on en entendra des bribes en arrière-plan des dialogues entre les frères et sœurs, comme un écho du monde qui entourait leur mère.
La pièce peut se jouer en appartement, dans une classe, un centre de vacances. Le public s’installe autour du fauteuil de velours vert où s’installait la mère. Loelia Salvador et Nicolas Schmitt incarnent Lelia et son frère Colin, Florian Pâque leur demi-frère Florent. Ils incarneront aussi tous les autres personnages, la mère, son mari Thierry, Rudy le père de Florent, le surveillant d’une salle d’examen, le patron, etc… La mise en scène n’enferme pas le spectateur dans le théâtre documentaire. Il y a de l’humour et de la poésie avec la musique de Camille Vitté, inspirée par une chanson de Jean Ferrat L’Embellie, des effets lumineux qui vont rendre magiques les divers bidons de produits d’entretien envahissant la vie de Maryse lorsqu’elle était concierge et des centaines de bulles de savon qui rappellent les histoires que l’on se racontait enfant.
Rien de rocambolesque, la vie simple d’une femme, qui s’est débattue pour être mère, gagner sa vie et conserver son intimité de femme, une vie que ses enfants découvrent en se parlant enfin. Emporté par le texte, la qualité des acteurs et les jolies idées de la mise en scène, le public est ému et séduit. Une belle surprise !
Micheline Rousselet
Du 5 au 24 juillet à 12h (relâche les 11 et 18 juillet) dans le Festival OFF d’Avignon au Train Bleu, 40 rue Paul Saïn, 84000 Avignon – Tournée ensuite : 27 juillet au 5 août CCAS en itinérance dans le Pays Basque et Midi Pyrénées, en octobre-novembre des dates aux Ateliers Médicis à Clichy-sous-Bois, les 25 et 26 novembre au Théâtre Charles Dullin au Grand-Quevilly, en novembre et décembre des dates à La Comète de Châlons-en-Champagne, du 2 au 6 mars 2026 à Château-Arnoux-Saint-Auban, du 26 au 28 mars au Maif Social Club à Paris
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