une curieuse enquête qui part de Québec pour y revenir par une autre voie en passant par la Guyane, morceau d’Amazonie française à la frontière du Brésil, connu pour ses bagnes. Une aventure qui permet de comprendre l’origine de traumatismes – la claustrophobie par exemple – et de réactions allergiques. Un résumé qui pour être juste ne rend pas compte des périples accomplis par la fille et la mère reliées par cette Guyane, carte du tendre et « Vert comme l’enfer », titre du roman de Isabelle Grégoire, tombée amoureuse de l’encore colonie française souvent laissée à l’abandon. Les routes manquent, les voyages se font en pirogue, moyen idéal de respecter les paysages et de les goûter.
Dans les années 1980, une cohorte de touristes français et québecois visitent ces territoires sous la conduite de deux guides, un homme et une femme qui semblent en couple. Les histoires se murmurent, les liens se délitent, d’autres se forment. A la fin du voyage plus rien ne sera pareil.Pour Alice ce sera dramatiquement le cas. Elle était aussi venu pour voir son père qui travaille désormais à Kourou et a fondé une nouvelle famille. Elle a commencé une « affaire » avec le guide, Fred, dont la grand-mère a été déportée dans les bagnes. La rencontre paternelle se passe mal. Elle tombe sous la coupe de cet homme malade qui la violera et l’enfermera dans un de ces anciens lieux de détention. Calvaire de plusieurs mois. Enceinte, elle accouchera dans les bras d’un docteur qui lui volera sa fille Flora. Elle sera éduquée au Canada francophone et… s’occupera des femmes battues.
L’équipée est nourrie au vert – qui s’attache – de la forêt, de rencontres avec les populations autochtones en lien avec la nature contre ces hommes venus d’ailleurs attirés par le lucre et l’appât du gain passant par le trafic d’enfants enlevés à ces femmes qui ne peuvent se défendre.
Flora, la fille d’Alice, qui ne se savait pas adoptée, plus exactement enlevée, se découvrira dans ses ascendants pour commencer à vivre. On sait qu’elle ira en Guyane… Nous aussi !
Une leçon d’histoire et d’amour pour cette contrée tisse notre empathie pour des personnages en quête de racines. « Le plus redoutable ennemi dans la jungle, avait écrit Blaise Cendrars cité en exergue, c’est l’homme… »
Le lecteur marche à fond. Il tourne les pages goulûment. Alice est un personnage qui existe, qui nous touche. Flora reste un peu dans l’ombre, pas très bien dessinée et la fin est un peu « verte », pas mure, tellement il est difficile d’y souscrire.
Nicolas Béniès
« Vert comme l’enfer », Isabelle Grégoire, Éditions QuébecAmérique
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