Le bandeau cite, avec à propos, la postface de Ludmila Oulitskaïa : « Ce livre s’adresse à nous tous » et c’est le cas. Le journaliste, Pavel, n’est que le témoin de la descente aux enfers d’un soldat, russe, présent lors de la première guerre en Tchétchénie voulue par Boris Eltsine et de la guerre en Ukraine provoquée par Poutine. Vadim, le soldat, est pris dans l’engrenage de l’Histoire sans pouvoir comprendre les enjeux. Au-delà même, les combattants en Ukraine ne savent plus contre qui ils se battent. La corruption est omniprésente, les manipulations partent de tous les coins de la Fédération de Russie résultat de l’éclatement de l’URSS et des guerres dites « nationalistes » menées par des potentats locaux qui y trouvent leur intérêt.

Chevelev raconte, avec distanciation par l’utilisation de l’ironie, les événements grands et petits qui vont faire de Vadim un désespéré parce qu’il prend conscience du contexte et ne voit pas de porte de sortie.

Il voudrait se faire entendre, faire entendre les voix des oppositions pour permettre aux populations de voir le monde tel qu’il est, loin de toute « fake news », spécialité de Poutine avant de l’être de Trump. A la tête de sa petite troupe, il prend des otages dans une église près de Moscou. Intelligemment, l’auteur mêle la psychologie du soldat, plus intelligent qu’il n’y paraît au premier abord, qui a réfléchi pour se comprendre et comprendre le monde, et l’histoire de cette Russie percutée par la chute du Mur de Berlin et l’entrée dans le capitalisme responsable d’une croissance des inégalités. Les retours en arrière ménagent le suspense et sont autant de coups de pinceaux d’un tableau qui se dérobe.

Toutes ces guerres qui semblent lointaines dessinent pourtant notre environnement. Les Tchétchènes, dont nous avions découvert l’existence lors de cette guerre, ont été victimes d’une tentative d’anéantissement pour supprimer un problème. Peut-on affirmer que nous sommes indifférents à leur sort ? Chevelev montre que le « terrorisme » s’alimente d’un déni de justice et du silence qui entoure ces massacres. La « communauté internationale » aime à clouer Poutine au pilori mais n’a pas bougé face à ces massacres.

Roman de la mémoire, d’une tragédie individuelle au milieu du bruit et de la fureur, Chevelev insiste pour conserver la trace du passé pour appréhender la « suite des événements ».

Nicolas Béniès

« Une suite d’événements », Mikhaïl Chevelev, traduit par Christine Zeytounian-Beloüs, postface de Ludmila Oulitskaïa, Gallimard/Du monde entier.


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