Jenny Raflik, Maître de conférence en histoire contemporaine, s’est lancée dans une traque qui apparaît, au vu de notre actualité barbare, nécessaire sinon vitale. « Terrorisme et mondialisation », le titre de son essai, est une recherche historique pour comprendre et définir le « terrorisme ».

Sait-on, et c’est un début en forme de point aveugle, que l’ONU – comme la Société des nations, SDN, avant elle – n’a pas de définition du terrorisme et, par-là même, ne peut pas construire les moyens de lutter contre lui ? Ce terme, utilisé à chaque attentat, à chaque suicide par les médias ne souffre d’aucune analyse. Il faudrait éviter ce vocable tellement facile par qu’il suscite la peur, l’angoisse. Le repérer, en repérer ses manifestations, en dresser une typologie serait, pour le moins, un préalable.

Essai : terrorisme et mondialisation
Essai : terrorisme et mondialisation

Cette interrogation fait tout l’intérêt de cet essai – terme qu’il faut prendre dans toutes ses significations et dimensions. Une question qui n’est guère à l’ordre du jour même si ses manifestations font partie, et de plus en plus, de notre monde. Il est un symptôme de la désagrégation de nos sociétés. Les gouvernements ne se rendent pas compte de l’aspect pathogène de leurs décisions. Le libéralisme en actes conduit à l’éclatement des solidarités collectives, à la désespérance individuelle faute de pouvoir peser sur les évolutions sociales. La lutte des classes semble avoir disparu qui donnait un sens, un espoir aux revendications individuelles et collectives pour construire une autre société.

L’approche de Raflik est signifiée par son sous titre : « Approches historiques ». Autrement dit, elle refuse le courtermisme. Elle veut inscrire sa réflexion dans le « temps long », dans l’histoire comparée tout en déterminant les contextes différents. Elle reprend les expériences du passé à commencer par celles des anarchistes du 19e dont le but était de détruire l’État en assassinant les dirigeants. C’est l’expression, dit-elle, d’une révolte sociale. Une révolte qui est transnationale, internationale via les créations d’Internationales Ouvrières.

Le terrorisme actuel, dans la phase du capitalisme financier mondialisé, est aussi global mais n’a pas les objectifs de transformations sociales portés par les anarchistes même si cette stratégie a échoué. Il est lié à un monde incertain dans lequel l’ennemi n’est pas visible – qui est le patron, un fonds d’investissement ? -, en train de basculer que l’espoir d’un changement, du progrès social a déserté. Les nouvelles guerres s’inscrivent dans le mouvement de mondialisation qui conduit l’ensemble des pays et des populations à être dans la guerre sans être en guerre.

Elle propose d’appréhender l’architecture du monde actuel – sans employer ce terme que je trouve plus juste – en insistant sur la chute du Mur de Berlin qui détermine un contexte global différent. Hobsbawm voit là, à juste raison, la fin du 20e siècle. Les réactions violentes face à une absence d’avenir donnent naissance à un « terrorisme » qui devrait s’analyser dans ce contexte.

Comme souvent ce questionnement ne se traduit pas forcément par une réponse permettant de clore le débat. Elle insiste pourtant sur l’incapacité des États-Nations, dans le cadre du mouvement de mondialisation actuel, de combattre le terrorisme, faute de réflexions – jouer sur les peurs en est même le contraire comme l’a avoué notre Premier Ministre refusant toute référence aux sciences sociales – sur le phénomène. Elle va même, en argumentant, aboutir à expliciter une stratégie de l’échec des gouvernants, un échec de ce retour sur l’État-nation.

A contrario ce questionnement interroge aussi la définition de la démocratie. La remise en cause permanente des droits et des libertés justifiée par la menace terroriste, est-elle compatible avec la réalité de la démocratie ? Question clé qui devrait agiter un peu plus les neurones de tous les citoyen-nes pour combattre y compris cette menace. Derrière, ce sont les forces de l’extrême droite qui s’agitent.

En se situant donc sur le terrain de l’histoire des relations internationales, elle arrive non pas à une définition mais à une typologie pour essayer de comprendre les formes différentes du terrorisme. Typologie contestable mais qui a le mérité d’être inscrite dans l’histoire. C’est cette démarche qu’il faut privilégier et poursuivre. L’essai de Jenny Raflik est un début, il faut poursuivre les investigations théoriques et pratiques.

Nicolas Béniès

« Terrorisme et mondialisation. Approches historiques », Jenny Raflik, Gallimard/ Bibliothèque des sciences humaines.


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