Curieusement Albert Camus connaît des renaissances successives via « La peste » ou « L’étranger » récemment, alors que le grand rival des années d’après guerre, ami et ennemi à la fois, Jean-Paul Sartre est délaissé. Camus, prix Nobel de littérature, Sartre prix Nobel de littérature refusé, est une grande différence et rend Sartre plutôt sympathique dans ce refus des honneurs. Il fut aussi, on s’en souvient, proche des « maos » de la gauche prolétarienne tout en refusant son idéologie.
« Réhabilitons Sartre » – ce « nous » est tout un programme – se veut une « Biographie critique et contextuelle d’un penseur du XXe siècle » proposée par Aliocha Wald Laswoski, enseignant chercheur en philosophie. Le sous titre montre toute la difficulté de la tâche. Sartre, pour situer le projet, avait mis en œuvre, dans la fin de sa vie, une biographie de Flaubert pour pénétrer, sans y arriver, les mystères de l’écriture.
L’auteur tourne la difficulté en se limitant aux ouvrages principaux pour indiquer à la fois les centres d’intérêt et les évolutions sinon les transformations de la pensée sartrienne. Sartre, comme Simone de Beauvoir, a découvert pendant la guerre la nécessité de l’engagement, la lutte collective et la classe ouvrière. Une des raisons sans doute pour laquelle l’auteur fait l’impasse sur « L’être et le néant » qui correspond à la fois à la découverte de la phénoménologie via Raymond Aron et à poser l’indifférence de l’individu dans la société, la « Nausée » que ressent tout individu plongé dans ce corps social. Le roman, le premier, dépasse par l’écriture le présupposé philosophique. Il découvrira Marx sans en tirer toutes les conséquences – l’auteur ne s’arrête pas sur la « Critique de la raison dialectique » – et, moins encore, les œuvres de Walter Benjamin. Le « Baudelaire » de Sartre a quelques ressemblances avec celui de Benjamin mais Landowski ne s’y arrête pas plus. Ce serait, c’est vrai, un autre ouvrage pour déterminer la place de la philosophie sartrienne et ses incohérences.
L’auteur par contre, et à juste raison, insiste sur l’écrivain Sartre et particulièrement sur « Les chemins de la liberté », une trilogie sur la France de la fin des années trente. Une fresque qu’il faut relire.
Au total : oui réhabilitons Sartre !
Nicolas Béniès
« Réhabilitons Sartre », Aliocha Wald Lasowski, Frémeaux et associés.
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