« Queens Gansta » est une histoire de détournement. Un détournement ironique de l’idéologie néo-libérale à la Reagan pour le trafic de drogue. Autrement dit, comment faire fortune quand on est Noir aux États-Unis, à New York plus précisément, qu’on vit dans un quartier « défavorisé » – le Queens et plus précisément « South Jamaica » – en butte aux effets de la politique anti-sociale de Reagan qui accroît la pauvreté ? « Preme » – pour Supreme – et Prince, son neveu, prennent l’exemple de la firme assoiffée de profit qui vend de la merde aux pauvres, pour construire leur trafic. C’est le temps, dans ce milieu des années 1980, du crack, la drogue du pauvre. Ils deviennent riches, créant des emplois pour tout le quartier, population attachée au trafic qui leur permet de survivre. Grande idée !
Karim Madani raconte l’aventure des deux initiateurs, capitalistes dans l’âme qui aurait pu devenir capitaines d’industrie s’ils avaient été Blancs. Dans un premier temps la Police se désintéresse de ces trafiquants, de ces règlements de comptes entre Noirs mais la puissance de l’entreprise devient telle qu’il faut sévir contre ces Noirs un peu trop arrogants qui se permettent même de tuer un flic blanc.
L’aventure se termine à la fin des années 1980. En prison. Il reste un goût amer pour toute cette jeunesse perdue dans une ville qui ne reconnaît pas au même titre toutes ses populations, d’un pays où règne encore la ségrégation raciale. L’auteur s’agite autour de ces contradictions : la valorisation d’un projet qui provoque la mort de jeunes gens, la perte de toutes ces vies vouées à la destruction et la mise en cause de politiques incapables de développer les compétences à cause de la couleur de la peau. Un réquisitoire contre toutes ces politiques publiques de remise en cause à la fois des acquis sociaux et des libertés démocratiques.
Un bémol toutefois : il faudrait alléger le style, le travailler davantage.
Nicolas Béniès
« Queens Gangsta », Karim Madani, Rivages/Noir
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