Tonino Benacquista a voulu – en guise de thérapie ? – se replonger dans son environnement pour comprendre le mouvement qui l’a porté vers l’écriture, vers la fiction pour raconter des vies, des rencontres, des revanches, des utopies en même temps que les réalités, lesquelles ne s’échappent pas facilement. Comment faire ? Comment s’écrit une autobiographie ? Question redoutable. Qu’il contourne par un procédé qui ne manque ni de panache ni de duplicité. Il fait surgir, son père, sa mère, son frère, ses sœurs dans des saynètes qui pourraient servir de base à des sketchs pour faire rire, sourire, tout en suscitant l’empathie et l’émotion. Pourtant il ne semble rien cacher, se paye même le luxe de montrer, à la fin, les « réalités alternatives », les uchronies à partir des éléments de base fournis dans la première partie. Comme un léger déplacement possible qui change tout. Un bel exercice pour montrer le pouvoir de la littérature, de l’imagination.

« Porca Miseria » est le titre qu’il a choisi, lui qui est habitué au jeu sur les mots, pour aborder sa famille italienne, lui qui est né en France, de culture française en conservant la mémoire d’une Italie quasi mythique liée à la découverte des « westerns spaghettis », partie prenante du patrimoine de toute une génération. Se dessine, au-delà des souvenirs, le parcours d’un jeune garçon en décalage continuel avec la réalité qui ne veut ni lire ni apprendre mais écrire. Sa chance : l’école de l’après 68 qui fait la part belle à la créativité personnelle de l’élève. Il n’est pas rejeté mais accompagné. De ce fait, il s’approprie les codes, les références collectives de sa génération sans même s’en apercevoir. Le « rital » – Cavanna dixit – est bien français même s’il cherche toujours un endroit pour se reposer. L’utopie, comme refuge, n’est pas suffisante.

Il sera écrivain. Reconnu. Il aura même un César – le prénom de son père – pour un scénario. Mais l’angoisse tient à l’âme au-delà de la réussite matérielle. Il connaîtra l’agoraphobie comme sa mère et l’alcoolisme comme « solution » comme son père. Les titres de ces scènes pourraient constituer un poème qui reste à écrire.

Beau parcours, non ?

Nicolas Béniès

« Porca Miseria », Tonino Benacquista, Gallimard, 196 pages, Paris 2022


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