David Joy trace les dessins de vies sans but autre que les paradis artificiels pour faire semblant de vivre. Errances dans un monde incompréhensible dans lequel les raisons de croire ont disparu. Comment survivre dans les Appalaches ? Le désespoir se niche dans les paysages, dans ces contrées étranges où le monde lui-même semble avoir disparu, englouti dans on ne sait quel puits dont la trace s’est perdue. La solidarité, l’amour surnagent, luttent pour conserver leurs droits mais ils restent dilués dans des silences serrés comme si les mots restaient collés à la terre, désespérés eux aussi.
Les réserves Cherokee ne sont pas loin tout en étant lointaines. Le Casino est la seule activité lucrative et renforce l’aspect factice de la réalité, laissant toute la place à l’appât du gain. Les drogues circulent librement. Les truands sont protégés par des policiers corrompus. Ils ont, bien sur, des excuses. Seuls les junkies sont les dindons d’une farce qu’ils alimentent sans cesse pour trouver des trésors dans la poudre blanche.
Un univers que David Joy visiblement a fréquenté de très près. « Nos vies en flamme », titre qui pourrait servir de devise pour ce pays, les États-Unis, qui n’arrivent plus à reconstruire un « rêve américain » moderne et qui ressasse les mêmes préjugés, les mêmes rejets, les mêmes mots qui n’ont plus de sens. Le retrait du travail est déjà une réalité pour une partie de la jeunesse. Un réquisitoire mêlé à une colère blanche – l’adjectif trouve ici toute sa place – contre une société sclérosée, incapable de proposer un avenir commun sinon la guerre de tous contre tous et toutes. Trump se profile derrière ces histoires où l’espoir semble se rompre à chaque fois qu’il se manifeste ou tente d’exister.
Un roman qui distille des vérités qu’il faut entendre. .
Nicolas Béniès
« Nos vies en flamme », David Joy, traduit par Fabrice Pointeau, 10/18
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