Retrouver le commissaire Ricciardi et Naples qui s’apprête à fêter les 10 ans de la marche sur Rome et l’arrivée au pouvoir du Duce, de Mussolini – le 29 octobre 1922 – est un plaisir presque coupable. Le polar se fait poésie pour conter l’amour qui traverse les océans sous la forme d’un boxeur célèbre et célébré, d’un crime crapuleux au nom d’un amour égaré dans les plis de la folie et du commissaire lui-même incapable de répondre à l’être aimée, secoué par les souvenirs de sa mère et de sa propre maladie, héréditaire comme il se doit.

L’écriture de Maurizio De Giovanni, bien rendue par la traductrice Odile Rousseau, sait faire entendre la « sérénade sans nom », hymne de tous les protagonistes de ce conte cruel, qui nous frappe entre les deux yeux. Le prologue – qui a déjà servi pour la précédente enquête – permet de situer, presque de définir de manière évanescente l’art, du comment communiquer les émotions profondes. L’art ne se réduit pas à la technique – nécessaire. Il doit contenir le morceau d’humanité, d’éternité qui permettra à la chanson, à la poésie d’atteindre les régions pas assez visitées de notre esprit, de notre cerveau.

Comme pour les précédentes enquêtes, celle-ci mêle les recherches policières, l’angoisse de perdre l’être aimé sans être capable de le retenir, Naples et sa topographie, ses lieux chargés d’histoire, de mémoire, de souvenirs et un commissaire obligé de se montrer pour faire taire la vilaine rumeur de son homosexualité. Le poids du fascisme est présent tout en étant lointain pour la grande ville du Sud, déjà délaissée par Rome et l’Italie du Nord conquérante. On voit aussi se profiler des « dignitaires » nazis et des officiers allemands.

L’amour est le seul fil conducteur de cet opus, « Nocturne pour le commissaire Ricciardi », l’amour impossible et proche, l’amour qui cherche une cible dans le Naples d’octobre 1932 où la pluie règne en maîtresse sans faire de claquette, accentuant le sentiment d’un vide sidéral que rien ne pourrait combler sinon l’inaccessible félicité.

Il reste un mystère. Pourquoi sommes-nous aussi sensible à l’atmosphère de ces romans ? Pourquoi est-il impossible de quitter le commissaire avant la fin ? Pas pour le dénouement qui nous laisse un goût amer mais pour autre chose, peut-être un ailleurs où l’auteur arrive à nous projeter ou l’impalpable réseau qui unit l’auteur et ses lecteurs, lectrices ?

Nicolas Béniès

« Nocturne pour le commissaire Ricciardi », Maurizio de Giovanni, traduit par Odile Rousseau, Rivages/Noir


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