Mirèio -Mireille – est un poème épique, une ode à la Provence et à sa langue qu’il revisite et, comme tout poète qui se respecte, permet de lui donner un statut et une grammaire. Walt Whitman, avec « Feuille d’herbe », avait été prescripteur, dans ce même moment du milieu du 20e siècle, de l’Anglais américanisé qui se séparait du britannique.

Mistral est habité, comme Marx et Engels qui écrivent « Le manifeste du Parti Communiste », par l’utopie révolutionnaire de 1848, vague qui touche toute l’Europe, un soulèvement qui transforme le regard et le monde. Lamartine écrira, à propos de la première édition du poème, « la grande nouvelle : i, poèter épique est né ».

Pourtant, Mireille restera longtemps inconnu du lecteur français. Joseph Delteil s’en plaindra : « Soyons francs, écrira-t-il, qui lit Mistral ? En France, à Paris, qui lit Mistral ? Or la place de Mistral n’est pas à Maillane, mais à Paris, à Moscou, à New York. Aujourd’hui, en 1928, un jeune Français bien né peut lire en français Goethe et Dante mais pas Mistral. Je signale ça comme un scandale. »

Les éditions Actes Sud proposent la réédition du poème original assortie d’une traduction originale de Claude Guerre qui explique à la fois ses choix et son amour de Mistral comme de la Provence dans un avant-propos empli du soleil et de vents. L’écriture du traducteur est rempli de références à cette langue et culture un peu oubliées qui se redécouvrent nécessairement pour apporter à toutes les autres cultures la manière de Mistral de concevoir le monde en charriant sa révolte contre toutes les injustices ? Ce poème qui fait de la mésalliance le cœur de son propos définit un projet républicain pour lier toutes les origines tout en les respectant.

Il faut découvrir la langue de Mistral, après avoir lu la traduction, pour se laisser emporter dans ces contrées merveilleuses que le poète transforme. Vincent Van Gogh comme Renoir – et tous ceux classés « Impressionnistes » ou « fauvistes », des classements sans foi ni loi – influencent l’écriture du poème.

A son tour Mireille suscitera la créativité d’un collectionneur et peintre, Gustave Fayet, lié par toutes ses fibres à ces impressionnistes. Son œuvre est restée longtemps méconnue. Élodie Cottrez en dresse le portrait tout en donnant les indications nécessaires pour apprécier les dessins qu’il réalise à la plume, au roseau ou au pinceau. Il réussit à faire voir des couleurs par la seule utilisation du noir et du blanc. La Provence de Mistral prend une nouvelle dimension. Pour Fayet, dit-elle, c’est comme un testament, Il décédera en 1925, après avoir terminé ce travail.

Un Beau Livre comme on dit, original à bien des égards par la réédition du poème de Mistral, par une traduction nouvelle qui permet de goûter à cette langue étrange et par les dessins de Fayet. Un objet culturel identifié qu’il faut découvrir et faire découvrir.

Nicolas Béniès

« Mirèio Mireille », Frédéric Mistral, traduit par Claude Guerre, illustré par Gustave Fayet, Actes Sud


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