Connaît-on les Japonais-Américains ?

L’attaque japonaise sur Pearl Harbor en décembre 1941 a déclenché l’entrée en guerre des États-Unis dans le deuxième conflit mondial. La formation de la nation américaine s’achèvera dans le processus de la guerre. Le sentiment national unira tous les émigrés. En 1942, le gouvernement fédéral s’inquiète de la présence de Japonais, migrants de l’après guerre mondiale et de leurs enfants pourtant américains de culture comme de comportements. La décision est prise de les enfermer dans des camps d’internement. Ces familles perdront tous leurs biens et leurs emplois. Ce sera le cas pour la famille de Aki Ito obligée de quitter la Californie pour vivre dans une sorte de prison et débarquée, en 1944, à Chicago pour rejoindre sa sœur, Rose.

« Ma sœur est morte à Chicago » raconte le mépris du quotidien, l’interdiction de nager avec les « Caucasiennes » même si elle est invitée à l’anniversaire de la fille de la maison. Le rejet et l’invisibilité de ce groupe jusqu’à la déclaration de guerre. Naomi Hirahara, l’auteure de ce polar social, laisse entendre que le départ de la communauté sino-américaine à dû profiter à quelques corrompus.

A Chicago, la famille habitera dans les quartiers périphériques à mauvaise réputation. La mère est obligée de faire des ménages, le père de travailler comme homme à tout faire chez les truands. Un déclassement, une chute libre dans une ville, véritable capitale des États-Unis, où règne toutes les corruptions, tous les trafics.

Aki ne veut pas croire au suicide de sa sœur. Elle enquête. Elle interroge. La police a arrêté ses investigations. Rose a été violée et a subi un avortement. Le roman prend une nouvelle dimension et nous atteint de plein fouet. L’autrice, en racontant, sans doute, les propres pérégrinations de sa famille, dans une Amérique raciste et excluante, mêlent le contexte socio-économique, la description des quartiers de Chicago, les préjugés et la volonté de s’en sortir. John Sturges, dans « Un homme est passé » – avec Spencer Tracy – avait montré la paranoïa des populations qui avait conduit les hommes d’une petite ville à lyncher un japonais totalement Américain.

Naomi Hirahara fait œuvre plus complète à la fois sociologique et psychologique pour nous faire voir ces hommes et femmes qu’il faut rendre invisibles, victimes collatérales de la guerre avec le Japon. Pourtant cette population a été, comme les autres, partie intégrante de la construction des États-Unis. Paradoxalement – et l’autrice le note au simple détour d’une phrase – les Allemands-Américains n’ont pas souffert dans la période de guerre. Un roman nécessaire, une part de la littérature mondiale.

Nicolas Béniès

« Ma sœur est morte à Chicago », Naomi Hirahara, traduit par Pascale Haas, 10/18


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