Les livres d’Histoire de l’enfance de Jean d’Aillon – né en 1948 – parlaient de cette guerre sans fin opposant les Français aux Anglais. En fait de guerre de 100 ans, cette guerre a été marquée par les questions de succession entre des dirigeants de la même engeance, des mêmes familles. Ces manuels d’un temps qui apparaît désormais ancien pratiquaient une confusion entre les Angles, habitants de l’Angleterre, et les Britanniques tels qu’ils sont aujourd’hui. Le Royaume-Uni est une construction étatique réunissant différentes formations sociales. Dans le contexte actuel, cette alliance est en train d’éclater. Les tendances centrifuges rendent visibles les réalités du passé.
Le travail de Jean d’Aillon est, on ne peut plus, de nécessité historique. Rendre lisible un passé trop souvent recomposé pour les besoins idéologiques du 19e siècle forgeant le concept de Nation.
Dans ce dernier opus des enquêtes de Holmes – Edward ici – et Watson – Gower comme prénom, l’auteur nous projette au printemps de l’année 1422, un printemps froid. La guerre ouverte et latente oppose les Armagnacs et les Bourguignons, alliés des Angles. Holmes et Watson, pour rappel car « Une étude en écarlate » (10/18) nous les avait déjà présentés, sont Anglais, habitent Paris et sont liés à la reine Isabeau de Bavière, épouse de Charles VI le roi fou. Paris est sous la domination du roi Henri V, Anglais qui va mourir dans le cours du récit en cette année 1422. Les Parisiens vivent mal, le prix des denrées de première nécessité ne cesse de monter, résultat des pénuries dues à la guerre des Seigneurs.
On se doute que Holmes, un clerc, est la tête pensante du couple qu’il forme avec Watson qui, lui, ressemble plus à Portos qu’au bon docteur compagnon de Sherlock. Les références à Alexandre Dumas ne s’arrêtent pas là. La logeuse des deux hommes s’appelle Constance Bonacieux… Des emprunts qui font appel aux souvenirs des lecteurs qui sont autant de transferts ironiques d’un temps à un autre.
Les emprunts ne s’arrêtent pas là. Le titre lui – comme le premier opus – fait référence directement à Conan Doyle. « Le chien des Basqueville » fait écho au « chien des Baskerville » et ce n’est pas, nous dit l’auteur dans « Le vrai et le faux » en fin de roman, par hasard. Les Baskerville représentent la branche anglaise des Basqueville… L’auteur a sauté sur l’occasion. On imagine sans peine sa jubilation.
Les deux fins limiers, à l’instigation de la reine, partent sur les traces d’un petit coffre qui contient des lettres écrites par Isabeau à son amant présumé Louis d’Orléans. Ces lettres pourraient remettre en cause toute la cascade dynastique des rois et des reines futures. Un imbroglio diplomatique de première importance qui aurait pu changer le cours de l’Histoire et empêcher Charles VII de monter sur le trône et empêcher Jeanne d’Arc de devenir Jeanne d’Arc…
Ces deux fins limiers deviendront trois par l’adjonction d’un chien, Gracieux, qui connaît déjà la résolution d’une des énigmes. Il a su distinguer la fausse héritière sous le déguisement de la vraie lors de la venue de la petite troupe dans le château des Basqueville, dans le village de Caux. Comme dans une des aventures de Sherlock, Edward, en digne prédécesseur/descendant d’icelui, se fera berner par une femme. L’intrigue permet de dérouler les fils historiques, d’expliquer le contexte ainsi que de décrire le Paris de cette époque. Par l’écriture qui se veut, un peu, d’époque, il est aussi loisible de découvrir les mots désuets, leur changement de sens au fil du temps tout autant que de leur orthographe.
Cet Edward Holmes et ce Gower Watson font déjà partie de notre univers. A bientôt.
Nicolas Béniès.
« Le chien des Basqueville », Jean d’Aillon, 10/18, Grands détectives.
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