Abir Mukherjee, un auteur aux origines croisées dues à la colonisation britannique de l’Inde, est à la fois Ecossais et Indien. Les racines n’expliquent pas tout mais un père indien vivant en Ecosse suscite un vent de révolte. La forme du polar est adaptée à l’expression de la colère sociale.

« L’attaque du Calcutta-Darjeeling » relève de l’enquête classique dans un contexte qui ne l’est pas. L’inspecteur Sam Wyndham, ex de Scotland Yard, ex-« poilu », débarque, en ce début d’avril 1919, à Calcutta. Comme tous les « revenants » de la Grande Tuerie Mondiale, il est traumatisé. La mort colle à ses rêves, les morts se lèvent, réclament leur dû, les amours perdues s’amoncellent sans compter les blessures du corps guéries à coups de morphine entraînant une accoutumance à l’opium. Un personnage atypique qui fait preuve d’un antiracisme, limité par sa propre éducation, mais qui le détache du groupe dirigeant engoncé dans sa lex britannica. La guerre et sa fraternité sont passées par-là.

Tous les poncifs, tous les préjugés sont mis en scène ainsi que les rejets réciproques de chaque communauté confrontée à l’enquête elle-même qui emmêle les raisons pour rendre plus opaque les conditions de leur résolution.

Les références sont multiples, à commencer bien sûr par Agatha Christie et sa mauvaise foi pour résoudre des enquêtes, sans être essentielles. Abir Mukherjee permet de saisir le contexte, la trajectoire à la fois des britanniques qui veulent continuer à dominer, des Indiens intégrés dans une certaine mesure, le rejet des « petits blancs », hommes de main souvent des puissants ingrédients d’une société coloniale niant toute capacité créative aux natifs. Même l’amour est un objet de négoce via les « métis » qui n’ont pas de place dans ce monde-là, un monde corrompu.

La description sociologique est absorbée par l’enquête pour en faire partie intégrante. Celle-ci se déploie en multipliant les fausses pistes.

Nicolas Béniès

« L’attaque du Calcutta-Darjeeling », Abir Mukherjee, Folio/Policier


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