L’idée de ce roman provient de l’air d’un temps qui s’éloigne avec l’augmentation des taux de l’intérêt. Dans la période qui suit 2015, en réponse à la crise systémique de 2007/2008 et à la déflation, la baisse drastique des taux de l’intérêt – des taux d’intérêt négatif, une grande première dans l’histoire du capitalisme – a pu laisser croire à des financements miraculeux. La création monétaire a alimenté à la fois les États et la spéculation sur les marchés financiers sans pour autant se traduire par la hausse des investissements productifs. L’endettement s’est généralisé permettant des énormes profits.

Sylvain Bersinger, économiste, membre d’un cabinet de conseil, a voulu comprendre le système mis en place par Law, au moment de la Régence de Philippe d’Orléans, après la mort de Louis XIV en 1715. Comme nous, il a lu « Le Bossu » de Paul Féval – « Si tu ne viens pas à Lagardère… » – qui se déroule, pour l’essentiel, rue Quincampoix, haut lieu de la folie spéculative à Paris. Il a donc repris le personnage du Bossu pour offrir un interlocuteur à Law pour expliquer le système qu’il met en place qui associe la monnaie de papier et des actions sur la compagnie de la Louisiane – une colonie – censée générer des profits futurs. La croyance fait le reste. Le futur et la croyance sont les deux fontaines des marchés financiers.

Le reste est l’histoire d’un joueur qui, vraisemblablement, ne maîtrise pas tous les phénomènes dont il est à l’origine et répond aux problèmes par une création monétaire accélérée, une création non validée par la création de richesses, qui ne pouvait conduire qu’à la faillite. Pas de mystère à ce niveau, celui de la création et l’acceptation de la monnaie de papier, de la folie spéculative est, en partie, magique. Une des raisons tient sans doute dans le fétichisme de la monnaie, signe de la richesse, idéologie de la richesse mais n’est pas la richesse qui se trouve dans les investissements productifs, dans le capitalisme industriel à cette époque qui est en train de conquérir la Grande-Bretagne. L’or est ainsi le fétiche suprême qui exerce toute sa domination sur le système monétaire. La monnaie de papier devait être convertible en or. Ce système de Law, inspiré de celui de la Grande-Bretagne, a dépassé son initiateur. Law – cet Écossais se faisait appeler « Lass », pour des raisons inexpliquées – reste une figure ténébreuse, longtemps partie prenante de nos livres d’histoire.

« L’histoire du système de Law », sous-titre l’auteur qui parle de « roman historique », première tentative en France de la monnaie de papier, ne s’explique pas totalement, l’auteur le reconnaît. Pour le reste, l’ambiance générale – seul Paris connaît la folie spéculative – prend beaucoup au film de Tavernier « Que la fête commence »

Un roman aux allures d’analyse financière qui attise la curiosité, c’est déjà pas mal même s’il manque le souffle romanesque.

Nicolas Béniès

« La monnaie magique, l’histoire du système de Law. Roman historique », Sylvain Bersinger, Editions Complicités.


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