La ballade est construite comme un morceau de musique organisé autour du violon dans toutes ses dimensions. Le vieux luthier construit un huitième de violon pour le petit Victor et termine sa vie en créant un violon hors norme, à la sonorité d’un orchestre, pour Dieu.
Le père de Victor est trompettiste et il court de répétitions en engagements dans un « opéra de quartier » tandis que la mère coud à perdre haleine des pièces de tissu avec une Singer – qui réveille des souvenirs dans toutes les familles européennes.
Paskov décrit, avec les yeux du garçon, l’environnement de la pauvreté. Un point de vue qui évite tout mélo : faute de comparaison, Victor ne sait pas qu’il est pauvre et ne comprend pas l’injonction du vieil homme « roi Victor, sois fier d’être pauvre ». Passe aussi quelques notations de cette Bulgarie sous la domination du Parti Communiste forcément stalinien concernant la répression et, en contrepoint, le système de santé gratuit.
Vivre pour sa passion permet de lutter contre toutes les insuffisances physiques. Le luthier n’est plus parkinsonien lorsqu’il travaille, lorsqu’il conçoit et fabrique ses violons. Il entre en communication avec le bois dont il fera un instrument même dans ce réduit malodorant où il habite. Il parle un mauvais bulgare, n’a pas de papiers, une grande partie de sa vie est inconnue et les ombres viennent envahir son atelier pour le transporter vers d’autres cieux pour rejoindre sa famille. Victor lutte contre elles tout en les acceptant.
Paskov joue en maître de ces peurs d’enfant, des manières, oubliées en général à l’âge adulte, de les conjurer en s’accommodant de la présence des fantômes.
Le père voudrait vaincre la pauvreté en construisant un buffet. Personne, dans les logements précaires de ce quartier juif, n’en possède. Il passera un temps qui semble long pour le construire au grand dam du grand-père qui répète que « un musicien doit jouer de son instrument » sans perdre de temps à autre chose.
La ballade vous poursuivra. Une ode à l’enfance pauvre, à la mémoire et à la musique mais aussi aux regrets. Victor Paskov (1949-2009) a toute sa place dans la littérature. Marie Vrinat, la traductrice, propose en guise de postface, une présentation de l’auteur, fils et petit-fils de musiciens : « Victor Paskov ou l’exil dans la musique » pour faire connaissance avec ses œuvres principales.
Nicolas Béniès
« Ballade pour George Henig », Victor Paskov, traduit par Marie Vrinat, Mikros/L’Aube
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