Une lettre, une simple lettre d’un fils à sa mère sans atours, sans mensonges ou pas trop, c’est la présentation qu’a choisi Kiese Laymon pour se raconter, raconter les États-Unis et la trajectoire d’un Africain-Américain dans le Sud profond où le racisme est permanent. Sa mère, universitaire, veut croire à la force de la culture, de l’instruction, de la connaissance qu’elle enseigne à son fils trop grand, trop gros, trop vite. Le titre originel, « Heavy » contient à lui seul tous les trop qui investissent la vie du pré-ado et de l’ado, « Balèze », la traduction française bien trouvée, n’en retrace qu’une partie.

Dans l’État du Mississippi le risque d’un dérapage peut surgir brutalement sans raison apparente. La population noire apprend à vivre dans une forme de ghetto, aussi bien mental que dans le regroupement des populations. Avec son cortège habituel de préjugés réciproques, de refus de brassage des individus et la méfiance qui ne permet aucun relation sociale.

Sa stature lui fait affronter des situations qu’il ne peut maîtriser, trop tôt. Il ne peut en parler à sa mère – son père a quitté le domicile familial – pas plus de ce qu’il découvre chez ses voisins plus fortunés.

Un ouvrage qui n’est ni un roman ni un essai ni une autobiographie mais qui tient un peu de tous les genres littéraires y compris la poésie, laisse un goût amer, une sensation de désolation, de vies arrachées à la vie, de rejets divers, de maladies du corps et de l’esprit pour se punir – mais de quoi ? – et, dans ce même mouvement, un hymne à la fraternité qui devrait se trouver au bout de ce chemin marqué par toutes les embûches possibles. Le paradis se cacherait-il dans l’enfer du quotidien, du jeu pour perdre une fois encore et essayer toujours de se retrouver.

Il faut prêter attention au sous-titre : « Une histoire américaine » pour comprendre l’enjeu inscrit dans ce récit. Tranche de vie devenue description d’une société en train de perdre tous ses repères, d’une génération traumatisée par ce qu’elle n’a pas vécu, la guerre, les mobilisations collectives, à la recherche de soi-même et de causes à défendre pour exister, à nouveau !

Nicolas Béniès

« Balèze », Kiese Laymon, traduit par Emmanuelle et Philippe Aronson, 10/18


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