« Africville » c’est le nom d’un ghetto noir près de la ville de Halifax, au Canada. Il est habité par les Africains déportés sur le sol de l’Amérique du Nord pour les transformer en esclaves – une aberration et une blessure sociale qui n’est pas encore résorbée – pour travailler dans les plantations. Les évasions seront multiples. Vers les tribus amérindiennes ou vers d’autres contrées au Canada. Les grandes villes canadiennes, Montréal particulièrement, verront grossir une population africaine-américaine fuyant l’enfer des plantations.

Africville est construite par ces émigrants d’un nouveau type qui voudront défendre leur territoire, leur histoire via leur cimetière, les morts trimbalant le patrimoine, du moins on voudrait le croire. Le combat pour la conservation de la mémoire est le fil directeur de cette saga qui en reste, sagement, au fil chronologique. Le départ des enfants vers les Etats-Unis alimente la trajectoire de cette famille. Le racisme n’est pas oublié – comment en serait-il autrement ? – et a comme conséquence, sans preuve, la condamnation à mort d’un couple qui se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Zeta, la grand-mère devenue aussi arrière-grand-mère, sera la flamme de la prise de conscience de Warner qui, dans les années 1980 se cherche et cherche ses racines. Son père, Etienne, a vécu en Alabama et a franchi la ligne pour devenir Blanc aux yeux des autres. Comment le lui reprocher ?

Le déclencheur de toute cette histoire, c’est le dernier de la liste, Warner, qui veut retrouver les siens. Dans ce processus, la grande interrogation qui secoue les Etats-Unis et le bureau du recensement, est la définition de cette population aux origines variées. De plus en plus, il est permis de se voir comme issu de plusieurs branches, origines. Kamala Harris par exemple ne peut pas remplir la seule case « Noire » ni celle « Caucasienne » – le terme pour « Blanc » – ni Indienne… Jeffrey Colvin met aussi son héros à l’épreuve de ce questionnaire et… il ne peut pas répondre à la question.

L’écriture n’est pas à la hauteur du projet. Il arrive que l’ennui gagne dans les descriptions d’une vie quotidienne forcément répétitive. Les personnages refusent quelquefois de vivre et se réfugient dans la tête du lecteur pour aller voir ailleurs si la vie n’est pas meilleure. Un travail de 20 ans nous dit l’auteur et il faut reconnaître que le décor dressé tient de l’histoire et de l’environnement des périodes abordées. Pour cette raison, il faut plonger dans cette saga qui permet de voir les Etats-Unis et d’approcher les transformations. Même si Trump n’a eu de cesse de vouloir revenir en arrière.

Nicolas Béniès

« Africville », Jeffrey Colvin, traduit par Serge Chauvin, Harper/Collins.


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