Compagnons de déroute et d’infortune mais aussi compagnons tout court sans en avoir vraiment conscience sauf à certains moments cruciaux. Elle a dû avoir le coup de foudre, du moins il est possible de le penser. Les auteurs, Saphir Essiaf et Philippe Dylewski le suggèrent tout en insistant sur la brume profonde que provoquent les drogues dans des esprits. Nadia est la plus intégrée dans l’univers de la drogue : son sentiment de culpabilité est tel – elle s’accuse d’avoir tué son frère – qu’elle aura vraisemblablement du mal à se guérir si la volonté de trouver une autre vie germait dans son cerveau. Lui est plus extérieur même si c’est un consommateur forcené. Une description quasi clinique de deux personnages en quête de rédemption.

La première partie de roman – je ne sais si ce terme convient – est une plongée dans le quotidien des drogués. Aucun détail ne nous est épargné. Tellement, durement que ce monde glauque entache le nôtre. Qu’il devient irrespirable. Particulièrement à Charleroi. Ce pourrait être ailleurs quoiqu’en dise Arnaud à un moment. 

Les auteurs ont dû le sentir. La deuxième partie fait entrer dans l’histoire le père d’Arnaud qui vient changer la donne. Une scène épique de destructions vient sceller l’alliance du couple et la libération de l’homme en passe de partir vers d’autres cieux – la Thaïlande en l’occurrence, le pays de la drogue – et vers la cure de désintoxication, spécialité des moines de ce même pays, l’autre face de la médaille. Les deux faces, disait le dialecticien Cortazar, ne se rencontrent jamais.

Tour à tour les deux protagonistes parlent, décrivent leurs émotions viciées par la nécessité de trouver de quoi alimenter le crabe. Quelque chose – c’est difficile, surtout pour lui et elle de mettre un nom sur ce qu’ils éprouvent – les sauve. Les auteurs, et on ne peut que les suivre appellent « ça » l’amour !

« Le trip hallucinant » promis par le bandeau est plutôt un trip glauque, dramatique sans perspective et sans avenir. Mise en garde, à l’évidence, contre les dangers de l’héroïne qui transforme les êtres humains en épaves et les privent de leur minimum d’humanité. Dur et nécessaire, même si, de temps en temps, les auteurs donnent l’impression de se complaire dans l’immersion de cet environnement tronqué, cassé, extérieur à tout sentiment autre que la recherche de sa dose. Pourtant, se trouvent les éléments d’un plaidoyer pour le retour des travailleurs sociaux dans la rue, pour en recruter de nouveau et construire des lieux adaptés aux soins de ces malades. Se trouve là un des grands soucis de cette description des descentes aux enfers, les drogué.e.s sont des malades qu’il faut soigner !

Nicolas Béniès

« 24 heures héro », Saphir Essiaf et Philippe Dylewski, Éditions Nouveau Monde.


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