Pascal Dessaint, auteur de romans « noirs », a voulu comprendre une image récente de deux cadres d’Air France qui, lors d’une occupation des salarié.e.s du siège de l’entreprise avait perdu leur chemise restée dans les bureaux. Image commentée forcément défavorablement, fustigeant comme il se doit la violence sauvage de ces contestataires. Était-ce, se demanda l’auteur, la première fois que ces débordements de colère désespérée contre la morgue patronale de droit divin avaient lieu ?
Remontée de la mémoire conservée dans des journaux comme l’Illustration une image – encore une mais un dessin cette fois – d’une défenestration d’un cadre des « Houillères & Fonderies de l’Aveyron » – dont le siège est à Paris -, Jules Watrin dans le contexte d’une grève des puits pour exiger à la fois une augmentation des salaires et du respect. La colère gronde devant l’intransigeance de la Compagnie qui ne veut pas céder, ce 26 janvier – il fait froid – 1886. La foule des grévistes veut la démission de Watrin, jugé responsable de toutes les misères. La direction réelle est hors d’atteinte des grévistes et sait envoyer au front ses pions pour se faire massacrer et, ensuite, s’en servir comme d’une arme contre les grévistes.
Zola vient de publier « Germinal ». Il est immédiatement accusé d’avoir fourni de « grain à moudre » intellectuel aux hordes anarchistes ouvrières. Comme le fera remarquer un journaliste du « Cri du peuple », les mineurs – femmes et hommes – n’ont guère le temps de lire…
L’auteur se livre à une reconstitution grandeur nature, y compris le procès des assassins de Watrin que le patronat voudrait bien « watriniser » suivant un néologisme qui conduira son auteur en prison, pour appréhender la société capitaliste de l’époque. Une tentative intéressante de mêler destins individuels et histoire collective. Les députés issus de la classe ouvrière – Basly notamment, un ancien mineur – sont entrés à l’Assemblée Nationale et viennent apporter leur soutien direct aux Assemblées qui décident de la poursuite ou de l’arrêt du mouvement. Une fresque donc mais qui, comme toute fresque, a des élans contrariés. Un sentiment de trop plein submerge le lecteur et lasse son attention.
« 1886, L’affaire Jules Watrin », malgré ces réserves, est un essai qui devrait engager d’autres auteurs de polar de suivre cette voie qui, pour être escarpée, n’en est pas moins nécessaire.
Nicolas Béniès
« 1886, L’affaire Jules Watrin », Pascal Dessaint, Rivages.
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