A partir de cette année l’Abbaye de Noirlac, considérée comme un des plus beaux ensembles monastiques de France et l’une des Abbayes cisterciennes les mieux conservées en Europe, propose aux visiteurs une expérience unique, une immersion sonore dans l’ensemble de ses bâtiments. Située à Bruère-Allichamps, tout près de Saint-Amand-Montrond, au cœur d’un bocage préservé, classée monument historique dès 1862, acquise par le Département du Cher en 1909, les ans ont glissé sur son architecture majestueuse. Les restaurations depuis les années 1950 lui ont permis de retrouver peu à peu sa splendeur, avec la création des vitraux par Jean-Pierre Raynaud et la réalisation de beaux jardins imaginés par un des plus célèbres paysagistes français Gilles Clément. Devenue un centre culturel de rencontre, l’Abbaye a développé une programmation artistique autour de l’écoute, centrée sur les musiques, les sons et la parole.

RésoNance propose une symphonie subtile de sons et de silence conçue pour chaque espace de l’Abbaye, que le visiteur parcourt, sans audioguide ni casque de réalité virtuelle, se contentant de ses yeux et de ses oreilles pour regarder et écouter. La qualité acoustique des églises cisterciennes est réputée pour être une des plus belles au monde et, dans ce parcours, les créations originales d’artistes contemporains vont se faire écho du passé. Dès le cloître, grand carré où les massifs, vus d’en haut, épousent la forme des nuages, Luc Martinez nous plonge dans une sorte de brume sonore où le silence accompagne de subtils sons, naturels et humains, murmure de l’eau, clochette au loin, pépiement d’un oiseau. Dans l’église abbatiale, dotée d’une réverbération qui sublimait le chant grégorien, des musiciens ont imaginé de courtes propositions musicales mettant en valeur leur instrument (flûte Kaval, serpent, violoncelle, shakuhachi, clarinette basse) ou la voix. Des duos s’élèvent, dans un ordre aléatoire, parsemés de silences, évoquant les prières des moines qui occupèrent ces lieux. Dans le chauffoir, où les moines profitaient de la seule cheminée de l’Abbaye pour copier les manuscrits ou se soigner, Lélio Plotton et Lola Molina ont imaginé quatre textes portant la voix intérieure de ces moines qui suivant la règle de Saint Benoît consacrait leur temps à la prière, au silence et à l’humilité du travail. Quatre comédiens (Jean-Quentin Châtelain, Adama Diop, Philippe Girard et Laurent Sauvage) murmurent ces textes à l’oreille des visiteurs. Dans le réfectoire, Bernard Fort et Pierre-Marie Chemla ont redonné voix à des passages des sermons de Saint Bernard, fondateur de l’ordre cistercien, commentant Le cantique des cantiques. Ils se font l’écho des lectures psalmodiées de textes sacrés, dites recto tono, qui accompagnaient le repas silencieux des moines autrefois. Pour les chambres des moines Michel Risse et Renaud Biri ont imaginé des « chambres aux acousmates ». Des bruissements, des crissements, des craquements, semblant venir d’on ne sait où, qui ne se déclenchent qu’à l’approche d’un visiteur, évoquent un monde invisible, minuscule et mystérieux. Enfin le dortoir des convers avec sa magnifique charpente en coque de bateau renversée, nous plonge dans un panorama du bocage imaginé par Thierry Besche sur la base des sons récoltés par l’audio-naturaliste Fernand Deroussen. Les sons de la prairie et ceux des bords du Cher, chants d’oiseaux ou d’insectes, vrais ou faux par la malice du musicien, s’égrènent suivant les saisons. Dans notre monde où dominent bruit et vitesse, cette visite imprégnée de calme, de silence et de sons subtils séduit le visiteur et le conduit hors du temps à la rencontre de lui-même.

Par ailleurs l’abbaye est un lieu vivant qui tout au long de l’année propose des activités, y compris pour les enfants avec des ateliers ou des visites. Sur trois week-ends, les deux derniers de juin et le premier de juillet, Les Nouvelles Traversées font alterner concerts classiques, jazz, slam avec par exemple une visite contée, une sieste musicale ou un concert-lecture à la bougie (Les caractères de La Bruyère mis en scène et contés par Benjamin Lazar).

Micheline Rousselet

Du 1er février au 15 décembre Abbaye de Noirlac – Information : 02 48 62 01 01 ou contact@noirlac.fr/abbayedenoirlac.fr


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