Face au parc, devant le château, les tréteaux accueillent le public. L’opéra de Puccini, inspiré du roman de Pierre Loti, Madame Chrysanthème, conte l’histoire d’une geisha de Nagasaki, Cio-Cio-San. Le lieutenant Benjamin Pinkerton a été séduit par cette très jeune fille. Il l’épouse et achète une maison pour l’y installer, tout en se disant que c’est un mariage à la japonaise, qu’il oubliera vite pour un vrai mariage avec une Américaine. Quand son bateau quitte le port, celle qu’il a appelé Butterfly guette inlassablement son retour. Elle a donné naissance à un petit garçon aux cheveux blonds et frisés et, en dépit de la pauvreté qui s’installe, refuse toutes les propositions de mariage faites par ceux qui lui prédisent que son époux ne reviendra jamais. Un jour pourtant il revient accompagné de son épouse américaine.
L’histoire est émouvante, la musique de Puccini est surtout restée célèbre par l’air poignant « Sur la mer calmée… » qui accompagne la longue attente de Butterfly. Mais le chef d’orchestre Dominique Trottein a su mettre en évidence la sensualité et la mélancolie de l’opéra, la douceur de Suzuki priant pour que sa maîtresse n’ait plus à pleurer l’absence de celui dont elle craint qu’il ne revienne jamais aussi bien que le cynisme de l’entremetteur Gozo.
La mise en scène d’Olivier Desbordes suit fidèlement le livret. Butterfly qui a renoncé à tout, sa religion, sa famille, sa culture arbore fièrement le drapeau américain. La visite du prétendant Yamadori que Butterfly rejette est présentée avec le ridicule habituel. La dignité et la délicatesse de l’épouse américaine de Pinkerton demandant à Suzuki, la servante, de prévenir Cio-Cio-San avec douceur et de l’assurer qu’elle élèvera son enfant comme si c’était le sien, est bien rendue.
La scénographie est simple. Un praticable en hauteur permet l’entrée des visiteurs dans l’espace privé, une cour avec une petite maison de bois, un univers un peu triste qui tranche avec le chatoiement des costumes.
Les interprètes sont très bien. On remarque particulièrement le baryton Kristian Paul qui campe avec subtilité le consul qui, bien qu’Américain, désapprouve le comportement de Pinkerton et se montre plein d’empathie pour Butterfly. Le ténor ukrainien Denis Pivnitsky fait ressortir l’attirance sensuelle du jeune lieutenant pour cette délicate jeune fille, son arrogance, son égoïsme et son cynisme aussi. La soprano turque Serenad Burcu Uyar, considérée comme une des meilleures sopranos actuelles, interprète avec finesse Cio-Cio-San. Jeune, amoureuse prête à tout quitter pour son beau lieutenant, digne et pleine de colère face au prétendant qui la harcèle, inquiète et pourtant pleine d’espoir dans l’attente du retour de Pinkerton et emplie d’une tristesse déchirante quand elle comprend qu’elle a tout perdu.
En plein air dans ce cadre majestueux, une belle réussite !
Micheline Rousselet
Opéra en plein air
11 et 12 juin au Domaine Départemental de Sceaux – 18 et 19 juin au Château de Champs-sur-Marne – 2 et 3 juillet au Domaine de Saint Germain-en-Laye – 9 et 10 juillet au Château de Vincennes – 1er, 2, 3 et 4 septembre Hôtel National des Invalides à 20h45 – Réservations : www.operaenpleinair.com
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