Avignon ce n’est pas que le Festival en juillet ! Fin janvier, la ville connaît son traditionnel Fest’Hiver qui réunit plusieurs scènes théâtrales permanentes. À la mi-mars, débute le Festival Andalou qui célèbre les musiques andalouses ou gitanes et la danse flamenca mais aussi la mode sévillane et bien sûr, la gastronomie du sud. Fin février, viennent s’intercaler Les Hivernales proposées par le Centre de Développement Chorégraphique National dirigé par Isabelle Martin-Bridot. Les HiverÔmomes, une section dédiée aux enfants, ouvrent le bal. Ensuite les Hivernales proprement dites, c’est dix-huit jours d’évènements, vingt compagnies, trente-quatre représentations… On est loin d’une hibernation ! Une programmation très riche, des moments forts de spectacles mais aussi des stages, échanges et rencontres en plusieurs lieux avignonnais ou alentours. Le CDCN d’Avignon développe la danse durant toute l’année et sur un large territoire avec quatre grandes missions : diffusion de spectacles, actions culturelles et éducatives, formation et soutien à la création.
Quelques exemples… À La Garance, CDN Cavaillon, Alexander Vantourhout, « circographe » comme il aime à se définir lui-même, présentait son Foreshadow. “On ne sait pas ce que peut un corps » disait Spinoza. Alexander Vantourhout en explore les possibilités en rapport avec une recherche artistique polysémique depuis une dizaine d’années. Entre danse, acrobaties, art martiaux ou yoga voire escalade, le chorégraphe belge crée des architectures de corps humains. Dans Foreshadow, huit danseurs et danseuses épuisent les possibilités d’un espace orthogonal fait d’un parterre accolé à un mur. Exploration de la gravité dans des équilibres et des portés insolites ou improbables. La verticalité du mur ne résiste pas aux audaces des danseurs.seuses-acrobates. Leur plaisir à jouer avec les plans et les entrelacs de corps est tel qu’ils et elles le célèbrent en des rondes ouvertes et dynamiques. Foreshadow se veut peut-être l’« annonce » d’une humanité qui se rendrait apte à construire un monde nouveau fait de confiance et de solidarité à la fois physique et mentale.
Connaissez-vous à Avignon La Maison Jean Vilar ? En 1979, la ville d’Avignon acquiert l’Hôtel de Crochans pour en faire un lieu de mémoire de la présence du fondateur du fameux festival dans la Cité des Papes. C’est entre ces murs qui abrite un important fond consacré aux Arts du Spectacle de la Bibliothèque Nationale de France, que Véronique Albert nous offre sa dernière création, Des pas sur la neige. En danseuse solo, inspirée par les archives du lieu, elle nous invite à une méditation dansée sur le thème de la trace. Grace et profondeur. Apprivoiser le passé corps et âme. Sur l’illustre place de l’Horloge, c’est un autre passé qui est convoqué mais aussi conjugué dans sa forme actuelle mondialement connue. Le spectacle Olympiade du Collectif Kor’sia occupe la scène de l’Opéra. Encore une création avec les danseuses et danseurs du Ballet de l’Opéra Grand Avignon ! (Voir article dédié). Non loin, à trois rues de pavés multiséculaires, au Cinéma Utopia, une autre institution locale, on peut découvrir la « vidéodanse ». Pas seulement de la danse filmée mais une symbiose entre mouvements du corps et mouvements de caméra, entre corps en mouvement et images en mouvement. La vidéodanse, un genre artistique singulier qui fait rimer chorégraphie et cinématographie. Marisa Hayes et Franck Boulègue co-directeur.trice.s du Festival International de Vidéodanse de Bourgogne sont venus en ambassadeurs avec une programmation sur le thème de la nuit. Entre autres, Skin in the grass de Melissa Sanderson et Lost ambulation de Danielle Short ou encore Topic II de Pascal Baes qui invente à l’image la danse pieds joints !
La danse, c’est un peu de la sculpture qui se mettrait à bouger… Telle est l’inspiration de Silvia Gribaudi dans Graces, une création de 2019 (titre en anglais). Mais il s’agit aussi pour cette chorégraphe et danseuse au physique pas canonique dans l’univers peu inclusif de la danse, de mettre en pièces les normes esthétiques du corps dansant et du ballet. Au plateau, trois danseurs éphébiques dans le rôle des Trois Grâces d’Antonio Canova : Siro Giugliémi, Matteo Marchesi et Andrea Rampazzo sont plein de ressources et de talents. Les quatre complices de la compagnie Zebra mêlent danse classique et performances mais aussi paroles, théâtre et comique tout en étant très doués pour embarquer le public ! La preuve est faite qu’en danse, le burlesque est possible ainsi que la réflexion critique ! Signalons également le ballet Vis Motrix de Rafaële Giovanola. Une espèce d’êtres féminoïdes, filiformes et articulés découvre le mouvement, arachnéen d’abord puis humain, et tente de se relever même s’il lui en coûte… En clôture de ces Hivernales, l’œuvre magistrale de Régine Chopinot, grande dame de la danse contemporaine, Top à l’Autre Scène – Vedène (Voir article dédié).
En hiver, les rues d’Avignon se vident tôt, surtout les soirs où souffle un glacial mistral ! Mais si vous entrez dans les salles de spectacles, vous les trouverez pleines et animées. En plus d’être un joyau d’architecture, Avignon est non seulement une ville de culture mais une ville-phare du spectacle vivant, et à l’année !
Jean-Pierre Haddad
Site du CDCN Avignon et des Hivernales : https://www.hivernales-avignon.com/
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