Depuis cinq ans la Maison de la Culture d’Amiens fait vivre l’expression inventée par Édouard Glissant « J’appelle « Tout-monde » notre univers tel qu’il change et perdure en échangeant » en invitant des œuvres venues d’ailleurs. Cette année le festival croise un dramaturge réunionnais (Vincent Fontange), une performeuse angolo-timorienne (Zia Soares), un groupe de danse sud-africain (Via Katlehong), un jazz-man libanais (Rabih Abou-Khalil accompagnant la chanteuse Elina Duni) et une plasticienne turque (Inci Eviner), qui a peint une des grandes baies de la MCA d’une multitude de petits hiéroglyphes renvoyant à des emblèmes de la ville mais aussi du monde entier.

Le 2 avril après une lecture-performance du poète Chris Cyrille-Isaac, Vincent Fontano a présenté une lecture-théâtralisée de sa dernière œuvre Grand Blanc, un conte qui, à travers l’histoire d’une jeune femme se débattant entre « son père de la forêt » et son père adoptif blanc pose la question de l’identité et de sa construction. Il a situé ce conte en Afrique du Sud pour souligner l’universalité de cette question et l’orienter vers la réconciliation. Dans le cas de la Réunion se demander d’où l’on vient, c’est aussi poser le problème de la loyauté. Poser la question « qui sont nos parents, qui sont ceux qui les ont précédés ? » renvoie de l’identité à la couleur de la peau et à la racialisation.

En explorant le passé colonial du Portugal, la performeuse Zia Soares a entendu parler de trente-cinq crânes, issus de rites de chasses aux têtes dans l’île de Timor, peut-être encouragés pour l’occasion par des gouverneurs et fonctionnaires portugais, conservés dans une armoire du département d’anthropologie de l’Université de Coïmbra. D’autant plus touchée par cette découverte qu’elle est elle même née d’un père Timorais exilé en Angola pour s’être rebellé contre le régime colonial, et d’une femme angolaise rencontrée en exil, elle s’est confrontée à ces morts sans visages. Dans sa pièce Fanun Ruin, qui signifie en tetum la langue du Timor Oriental « convoquer les os », elle met en relation des images, des sons, des paroles murmurées et une installation. Rugissements, aboiements, bruit des clochettes du diadème dont elle se ceint, tintement de ses bracelets, musique et multiplication des jambes qui dansent sur l’écran vidéo créent un univers sonore et visuel où Zia Soares semble se débattre contre ses cauchemars. Partant d’un métier à tisser elle construit une sorte de maison traditionnelle de Timor, sous laquelle elle se glisse comme pour affirmer « Je ne partirai jamais tant que la terre n’aura pas révélé vos visages » et ainsi retrouver la paix en donnant vie et visage à ces crânes oubliés.

Micheline Rousselet

Du 2 au 5 avril à la Maison de la Culture d’Amiens – Réservations : 03 22 97 79 77

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