A-t-on jamais vu un festival culturel offrant 70 propositions sur trois jours émanant d’associations engagées contre la précarité et pour l’insertion sociale ? Ne cherchez pas, la chose est unique en France voire dans le monde… D’ailleurs, le festival Pop Rua de São Paulo et celui Nomada de San Sebastian s’en sont inspirés et leurs représentants seront présents à Avignon lors de l’édition 2024 de C’est pas du luxe !

A l’origine de cette aventure biennale qui a commencé en 2012, la future ex-Fondation Abbé Pierre, La Garance – Scène nationale de Cavaillon et l’association Le Village basée à Cavaillon. Et puis, il y eut la ville d’Avignon car C’est pas du luxe ! fut d’abord essayé ailleurs mais rejeté par des municipalités qui y voyaient un « festival du pauvre »… C’est en frappant à la porte de la Mairie d’Avignon, que la chose devint possible dans la durée. Cécile Helle, maire socialiste d’Avignon, n’a pas hésité à accueillir le festival entre ses murs vénérables et dans ses quartiers. La ville qui s’y connaît en la matière sait que la culture n’est pas du luxe ! Elle est plutôt le sel de la vie sociale. Il n’y a pas de société viable sans culture au sens anthropologique et cette dernière a besoin de se mettre en jeu dans la création artistique afin de se réfléchir publiquement et de se développer. Quand le théâtre grec s’invente, c’est avec la finalité de donner à voir les récits fondateurs avec les passions et les leçons qu’ils portent afin de libérer des premières et de retenir les secondes ; sans exclusion sociale et dans une institution et un usage populaires. En 2018, la Ville d’Avignon devient donc co-organisatrice de l’événement, avec Emmaüs France.

L’édition 2024 ? Cécile Helle en parle fort bien : « C’est avec une grande fierté que nous recevons du 27 au 29 septembre la septième édition du festival C’est pas du luxe ! Durant trois jours, Avignon brillera, une nouvelle fois, de la lumière intense et festive issue de plus de 70 projets artistiques préparés toute l’année par 600 artistes amateurs et professionnels. Plus de 30 lieux dans la ville seront mobilisés, musées, théâtres, parcs et espaces patrimoniaux que nous ouvrons volontiers au public [33 lieux du centre-ville et du quartier ouest] ; un public fidèle toujours plus solidaire et attentif aux propositions inclusives et fraternelles qui lui sont offertes. (…) ce festival qui défend la culture pour tous et privilégie la rencontre humaine, met à l’honneur des œuvres d’exceptionnelle qualité, créées par des personnes en situation de fragilité ; son existence tient aussi aux nombreux partenariats noués au fil des ans avec les acteurs culturels locaux et les associations impliquées dans le champ social. »

Aux côtés des acteurs locaux, il y a des associations et personnes venues de toute la France : Marseille, Cavaillon, Toulouse, Rouen, l’Île de France, Châteauroux, Bourges, Mulhouse, Montpellier, Le Berry, etc. N’est-ce pas génial et pas du luxe de réunir tout ce monde en articulant précarités sociales et créations artistiques ! C’est pas du luxe et pourtant c’est rare puisqu’un tel moment est unique dans le pays. Dans le fond, ce qui tend à se faire rare dans les logiques dominantes politiques ou civilisationnelles, ce n’est pas le luxe matériel qui sature les images médiatiques des puissants du monde et la publicité, c’est plutôt l’entraide et aussi le plaisir partagé de l’art dans une socialité inclusive. C’est pas du luxe ! nous en offre avec abondance et à un prix libre !

Quelques grands moments : Le Grand Tour par exemple, une exposition permanente qui présentera des objets recueillis dans la Collection Lambert de trois capitales européennes, Barcelone, Bruxelles et Athènes. Les commissaires d’expositions ont œuvré avec des chorégraphes… Où ça ? À la Collection Lambert d’Avignon pardi ! L’Église des Célestins accueillera Le Grand Bazar des Savoirs, sorte de « rendez-vous rapide » avec 80 experts et sachants de diverses disciplines ou métiers qui en quelques minutes, répondent à votre curiosité en partageant leurs connaissances. Le metteur en scène Didier Ruiz a conçu la chose comme une performance collective ! À la FabricA, ce sera Big Party, un grand bal, masqué ou non, avec ou sans marionnettes, se doublant d’un karaoké géant. Citons encore Le Hors-champ de la lumière : au Cloître des Carmes, 40 amateur.ice.s venu.e.s de tous horizons s’immergent dans la peinture du Caravage. À partir de tableaux choisis, ils et elles (re)inventent de nouvelles fictions scénographiées et capturées par le photographe Christophe Loiseau. Les scènes seront audio-décrites pour les personnes en situation de déficience visuelle. Après écoute, ces personnes seront invitées à se plonger dans les œuvres reconstituées in situ par les modèles pour les découvrir tactilement ! Ça non plus, c’est pas du luxe ! À moins que le festival soit l’inventeur d’un luxe pour tous – Vive le luxe inclusif ! Et La Galerie ? Des œuvres plastiques ou photographiques venues de toutes la France exposées durant trois jours au Cloître Saint-Louis que l’on pourra contempler ou se procurer à tous les prix ! Là où acquérir de l’art n’est plus un luxe…

« C’est pas du luxe ! » Plutôt de la vie, de l’art et de la culture en partage, et de belles rencontres !

Jean-Pierre Haddad

14e édition du festival C’est pas du luxe ! Les 27, 28 et 29 septembre 2024 à Avignon. Informations et programme complet : https://cestpasduluxe.fr/


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