Pourquoi une conférence sur les maisons closes en lieu et place d’une ancienne maison close parisienne nommée Les Belles Poules, rue Blondel dans le 2ème arrondissement, non loin de la rue Saint-Denis ? Pourquoi pas ? Puisque c’est aujourd’hui une salle de séminaires ou de réceptions privées dont le décor rénové est d’une grande originalité. Superbes faïences d’un érotisme plutôt gentil, moulures dorées et plafond de miroirs. La chose n’est cependant pas complètement contingente. C’est en corrélation avec le spectacle à venir des Sœurs Papilles, chansonnières libertines et libertaires bientôt sur la scène du Lucernaire que la propriétaire des Belles Poules, Caroline Sénot a tenu cette conférence.

Un historique du lieu et de la découverte par hasard du décor assez abimé et caché derrière des panneaux de contre-plaqué. Quelques dates clé de l’histoire des « maisons de débauche » légalisées en avril 1803 et fermées en avril 1946 sur les instances de Marthe Richard, ancienne prostituée devenue influente en politique.  Surnommée la « veuve qui clôt » (la tradition voulait que l’on bût beaucoup de champagne dans les lupanars parisiens), Marthe Richard pris soin d’obtenir que l’on brulât certains registres préfectoraux où son nom apparaissait comme fille de joie « encartée », c’est-à-dire enregistrée par la police. Des anecdotes et beaucoup de vocabulaire technique, argotique ou métaphorique sur ce monde du plaisir tarifé en lieux clos. Voilà pour la partie conférence.

Côté spectacle, des intermèdes musicaux, chantés, dansés et joués façon cabaret par les Sœurs Papilles elles-mêmes, les vraies-fausses jumelles Anne-Laure Bonet et Cléo Sénia.

En attendant leur spectacle du Lucernaire du 7 décembre 2022 au 15 janvier 2023, un petit avant-goût de leurs textes truculents, écrits tout spécialement pour elles par Jean-Marie Sénia :

« T’en souviens-tu Mamie ! Maman !

Comme ça piaffait tout ce beau monde…

Des troufions ! Des darons immondes !

De vrais Curés ! D’faux Présidents !

C’était payé cash à la passe !

Les jetons suppliaient qu’on les ramasse ! 

Quand la tôlière buvait la tasse

On tapinait là ! Dans l’Impasse… »       

Une dernière chose qui revient régulièrement dans le débat : faut-il les rouvrir ces maisons closes ? Osons une réponse en deux temps : certainement pas car elles étaient le lieu d’une exploitation systématique des femmes. En dehors de quelques bordels de luxe, les « filles » étaient soumises et maltraitées, sans parler des conditions d’hygiène… Pour autant, la question du commerce du sexe n’est pas résolue et la prostitution actuelle pose de multiples problèmes. Faudrait-il alors inventer un nouveau concept de maisons non pas closes mais ouvertes ? Des lieux d’usage commercial du plaisir érotique ouverts à toute personne majeure y compris handicapée, et proposant un accès à toutes les sexualités ? Des lieux contrôlés par les services de l’État, où des travailleuses et travailleurs du sexe salarié.e.s exerceraient leur métier sans contraintes, avec toutes les garanties sociales, sécuritaires et hygiéniques possibles ?

La question est délicate. Si le modèle allemand des Eros Centers peut servir de base de réflexion, il serait stupide de l’importer tel quel avec les dérives mafieuses qu’il a suscitées. Resterait à inventer un modèle français de maisons de plaisir pour tous. En France, on a trop tendance à laisser perdurer les problèmes relevant de marginalités sociales comme la prostitution ou le trafic de cannabis, quitte à accentuer toujours plus la répression plutôt que de leur trouver des solutions pragmatiques et légales. On n’est pas sorti de l’impasse

Jean-Pierre Haddad

Les Sœurs Papilles seront au Lucernaire du 7 décembre 2022 au 15 janvier 2023. Réservation :  https://www.lucernaire.fr/theatre/les-soeurs-papilles/

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