« Toute poésie destinée à n’être que lue et enfermée dans sa typographie n’est pas finie. Elle ne prend son sexe qu’avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l’archet qui le touche » (Léo Ferré). Elle est donc faite pour être chantée ou pour être dite.

Cédric Gourmelon, directeur de la Comédie de Béthune, a découvert Ferré avec une chanson, Avec le temps, qui a bouleversé même ceux qui ne connaissaient que ses chansons plus anciennes comme Paris Canaille ou Jolie môme. C’est après la mort de Léo Ferré qu’il s’est davantage intéressé à son œuvre et a découvert des textes moins connus, ceux de ses dernières années, les années 70 où il s’était installé en Toscane. Dès 2004 Cédric Gourmelon avait fait une première version du spectacle Words…words…words… en démarrant par Métamec un long texte en alexandrins qui concentrait nombre des trouvailles poétiques de Léo Ferré. Pour cette nouvelle version il a souhaité qu’on puisse entendre aussi un poème d’un artiste vivant. Il a proposé à Baptiste Amann, lui aussi fan de Ferré et artiste associé à la Comédie de Béthune de l’écrire.

Sur le plateau sombre, un piano et un rideau de music-hall fait de pastilles d’argent cousues qui scintillent comme la mer au gré des éclairages imaginés par Marie-Christine Soma. Seul en scène Cédric Gourmelon, vêtu de gris sombre et de noir dit les mots de Ferré, égraine quelques notes au piano, chuchote, scande les textes ou les gueule. Les provocations, les révoltes s’étranglent parfois dans la mélancolie. L’ombre de Ferré semble là, bienveillante avec sa cigarette, son drapeau noir un instant posé là. Et l’on entend ses mots qui s’enragent, provoquent ou se font velours. Cédric Gourmelon ne chante pas et pourtant on a l’impression d’entendre la voix de Léo chantant « Ton style c’est ton cul, c’est ton cul, c’est ton cul … c’est l’amour qui se tait quand tu ne chantes plus ». Lorsque démarre le texte de Baptiste Amann Désert ! qui clôt le spectacle « Si la parole n’est pas ce souffle transmis à celui qui est à terre pour qu’il se redresse, c’est que cette parole n’a pas de langue. Méfie-toi des paroles sans langue qui administrent, jugent et condamnent », on sent une puissance anarchique et poétique qui rejoint celle de Léo Ferré, et on se laisse emporter.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 15 décembre puis les 4, 5 et 6 janvier à 20h à la Comédie de Béthune – Réservations : 03 21 63 29 19 ou www.comediedebethune.org – En tournée ensuite du 31 mars au 7 avril sur tout le territoire de la Communauté d’Agglomération Béthune Bruay Artois Lys Romane et le département du Pas de Calais

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