Hillel Kogan est un artiste engagé. Il est à la fois danseur, chorégraphe, interprète, acteur, concepteur et dramaturge mais cette accumulation de titres qui lui ont valu de nombreuses récompenses notamment en Israël, l’ont laissé modeste dans la forme de ses spectacles.

Le plateau de la salle Jean Tardieu est totalement vide. Un danseur-chorégraphe exécute quelques mouvements dansés puis s’interrompt. Des questions le taraudent sur son art : quand il danse, est-ce son corps qui, pour évoluer, fend l’espace ou bien est-ce l’espace qui l’accueille ?

Comment se fait-il qu’à certains moments, après que son corps s’est glissé dans l’espace, il ressente une hostilité, une sorte de frein à la fluidité de ses mouvements ?

Danseur israélien de gauche, trouvera-t-il dans l’exécution du spectacle qu’il prépare, la place qui reviendrait à un danseur arabe ?

On pourrait penser, à la lecture de ce questionnement, qu’il s’agit de pensées et de propos intellectuels correspondant aux états d’âme tourmentés d’un artiste.

C’est mal connaître Hillel Kogan qui déjoue tous les pièges d’un propos inspiré et altruiste pour mieux rire de lui-même et de ses élans d’homme de gauche israélien favorablement disposé à l’égard des arabes.

Le danseur israélien malgré toute sa générosité d’artiste à l’abri des préjugés, reste victime de lui-même car, que resterait-il au chorégraphe pour créer sa pièce sans les préjugés ?

Sa supériorité de chorégraphe à l’égard du danseur exécutant, n’évite pas les signes de démagogie, de paternalisme aux relents colonialistes.

Car l’artiste dominant ne peut, s’il veut conduire son art et rendre son œuvre intéressante, faire l’impasse sur le conflit, la violence, la guerre.

Théâtre : we love arabs
Théâtre : we love arabs

Hillel Kogan, en pratiquant l’autodérision prend-t-il le risque de brouiller le propos de sa pièce ?

Le rire qu’il déclenche risque-t-il de prendre le pas sur le message profond?

S’il fallait qu’il y ait, dans cette joute artistique, un gagnant et un perdant, un bourreau et une victime, l’avantage ne reviendrait sans doute pas à celui des deux qui, en dépit des bons sentiments sincères qu’il laisse transparaître, montre les signes d’un racisme inconscient.

Mais c’est en poussant le plus loin possible le rire, en proposant le houmous, mets commun aux arabes et aux israéliens comme moyen de communier, qu’ Hillel Kogan déjoue à la fois un trop grand surlignage de la gravité du sujet et toute dérive débordante vers la comédie.

Hillel Kogan est un bavard délicieux et son spectacle, avec la participation toute en retenue de son partenaire (seul danseur arabe israélien professionnel) est un chef d’œuvre de subtilité, d’intelligence qui en dit plus long sur la réalité de la cohabitation que tout travail démonstratif sur le sujet.

On sort de là, au bout d’une petite heure de spectacle, ragaillardi, sous le charme. Et heureux

Un spectacle à ne pas manquer!

Francis Dubois

Théâtre du Rond-Point 2 bis avenue Franklin Roosevelt 75 008 Paris

Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 44 95 98 21 / www.theatredurondpoint.fr


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