
Quittant son père retenu par son travail en Roumanie, Valentina accompagne en France sa mère atteinte d’une grave maladie cardiaque. Elle intègre une école française et apprend vite. Sa mère, en dépit de toute sa bonne volonté, n’arrive pas à se faire comprendre à l’hôpital. Les médecins sont débordés, il n’y a pas d’interprète et la malade panique de plus en plus. Valentina va devoir accompagner sa mère pour servir de traductrice. Elle est confrontée à des mots techniques qu’elle ne comprend pas bien et surtout à des nouvelles inquiétantes, qu’elle veut épargner à sa mère. Elle va alors être contrainte de s’enfoncer dans les mensonges, d’autant plus que l’école ne comprend pas ses multiples absences et voudrait rencontrer sa mère.
Caroline Guiela Nguyen sensible, en raison de son histoire familiale, à la question des langues a eu l’idée de la pièce en rencontrant des interprètes, à l’occasion de son travail avec l’Association Migration Santé Alsace au Théâtre national de Strasbourg qu’elle dirige depuis 2023.
Si on aime la façon qu’a Caroline Guiela Nguyen de créer des histoires où elle nous parle de la violence du monde mais aussi des beaux élans de fraternité, on est cette fois un peu moins convaincu par ce conte où tout est bien qui finit bien et par l’utilisation de la vidéo qui semble n’être là que pour s’approcher des personnages. On retrouve toutefois de bonnes idées dans la pièce. D’abord celle de la kyrielle de mensonges de plus en plus gros auxquels est condamnée Valentina pour aider sa mère, qui rappelle ceux auxquels sont obligés de recourir parfois les immigrés devant les fonctionnaires de l’OFPRA. Ensuite la diversité des attitudes face à l’incompréhension liée à la langue : empathie de la directrice envers Valentina, agacement de la médecin débordée par l’engorgement des consultations à l’hôpital. Enfin la poésie qui habite ce conte avec cet énorme ours en peluche que l’école confie à Valentina et surtout un battement de cœur qui résonne en continu, s’accélérant au fur et à mesure que la maladie progresse.
La metteuse en scène s’est entourée d’un quintette d’acteurs où cohabitent professionnels et amateurs roumains. Chloé Catrin interprète avec beaucoup de vérité la médecin et la directrice de l’école. À ses côtés des Roumains, Paul Guta en cuisinier de l’école qui parlera d’une échelle de graduation des mensonges permettant (ou non !) de les déceler, et surtout Loredana Iancu et sa fille Angelina Iancu (en alternance avec Cara Parvu) dans les rôles de la mère et de Valentina.
A travers cette mise en avant de la question de la langue on retrouve bien la générosité et l’engagement de la metteuse en scène.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 15 juin au Théâtre de la Ville-Les Abbesses, 31 rue des Abbesses, 75018 Paris – 20h en semaine, 15h les dimanches – Réservations : 01 42 74 22 77 ou theatredelaville-paris.com
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