L’auteur, chanteuse et chorégraphe de nationalité britannique, Dorothée Munyaneza, est originaire du Rwanda. Marquée par plusieurs films et documentaires sur le génocide rwandais et le viol des femmes utilisé lors des conflits comme arme de destruction, elle est allée au Rwanda, dans le cadre de l’association de Godeliève Mukasarasi, rencontrer des femmes victimes de viols et les enfants qui en sont nés. Ce qu’elles disent c’est l’horreur de ces viols massifs, parfois jusqu’à la mort, qui se font aux yeux de tous, l’absence de pitié des violeurs qui n’épargnent ni les petites filles ni les vieilles femmes et qui se réjouissent de planter dans leur ventre un enfant mais aussi le sida et enfin la douleur face à la réaction de leur famille qui déversait sur elles une haine liée au fait qu’elles portaient un enfant de bourreau.
De ces paroles qu’elle a collectées, Dorothée Munyaneza a fait la matière de cette œuvre. Au micro, elle dit le génocide, les paroles des femmes, de celles auxquelles leur famille dit « Tue cet enfant, tu vas allaiter une hyène ». Puis les mots deviennent musique avec l’aide du compositeur Alain Mahé et chant avec la voix rauque et profonde de l’Américaine Holland Andrews. L’environnement sonore – conversations lointaines en langues du Rwanda, cris, bruits stridents, coups frappés sur la pierre ou avec des bâtons – crée une ambiance où la peur alterne avec la violence. Au sol deux pilons dont l’un est renversé comme celui d’une femme surprise dans ses tâches quotidiennes et sur qui la violence s’est brutalement abattue. Au centre de la scène, œuvre du plasticien Bruce Clarke, un pilier de tôle ondulée porte l’image d’une figure féminine ni blanche ni noire, ni européenne ni orientale, qui renvoie à toutes ces femmes fracassées par la violence barbare des hommes en guerre. Et sur cette scène, accompagnée par le chant et la musique qui se font bruits stridents ou violents, plaintes ou cris, Dorothée Munyaneza danse, une danse qui renvoie aux corps traumatisés où le souvenir du crime s’est imprimé mais aussi au combat, à la lutte de ces femmes pour continuer à vivre et dire qu’elles sont encore là. Et c’est très beau !
Micheline Rousselet
Le 24 novembre au Théâtre du Fil de l’eau à Pantin ; du 28 novembre au 1er décembre au Centquatre à Paris
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu