Pierre Maillet a onze ans quand il découvre au cinéma Tootsie. Il est ébloui par Dustin Hoffman, se dit qu’au cinéma on peut se construire une vie intense et pleine d’aventures, et décide qu’il sera acteur. Des quatre cinémas de Narbonne, en passant par le salon familial, où il découvre assis entre ses parents à neuf ans Les valseuses, et le vidéo club de son oncle, où il emprunte à dix ans Massacre à la tronçonneuse, il dévore tout. Il s’enthousiasme pour des films, des acteurs, connaît par cœur les palmarès des Césars et des Oscars. Plus tard, parti à Rennes pour ses études d’acteur avec un impressionnant stock de cassettes-vidéo, il découvre le cinéma d’auteur plus proche du théâtre avec Scorcese, Pasolini et Fassbinder. Témoins du temps qui passe, ces films marquent les étapes de sa vie et nourrissent son univers artistique. La vie de leurs personnages inspirent son travail d’acteur.

Pierre Maillet et la metteuse en scène Emilie Capliez ont fait le projet d’une pièce inspirée de cet amour du cinéma lié à des épisodes de la vie de l’acteur. Ils ont alors fait appel à l’écrivain Tanguy Viel, lui aussi grand amateur de cinéma que l’on retrouve au cœur de plusieurs de ses romans. Celui-ci a recueilli de la bouche de l’acteur des récits, des confidences et les a enchâssés avec des scènes de films choisis par le comédien.

Adaptée au projet itinérant « Par les villages » initié par la Comédie de Colmar, la pièce s’inscrit dans un décor léger, quelques chaises et quatre projecteurs pouvant constituer le décor d’un casting ou d’un tournage. La robe à paillettes de Tootsie ou celle de Petra von Kant sont là mais l’acteur ne les enfile pas. Pas d’images de films, l’imagination du spectateur peut, par la grâce de la musique, d’une voix off et des lumières l’entraîner dans l’univers d’un film qui revient à sa mémoire. La rhapsodie in blue et la voix de Woody Allen, et on entre dans Manhattan. La musique angoissante, les bruits de l’eau et la lumière des fonds marins suffisent à nous plonger dans Les dents de la mer. De l’allemand et la robe de Hanna Schygulla et l’on entre dans le film de Fassbinder.

Surtout il y a le jeu de Pierre Maillet. C’est dans le noir qu’il évoque Massacre à la tronçonneuse. On en rit avec lui mais on a un peu peur quand même ! Quant aux Dents de la mer, on le retrouve en maillot de bain pour vivre le film avec nous. Il joue une multitude de rôles, l’oncle du vidéo club, mais aussi Jean Marais, Edwige Feuillère, Gérard Depardieu ou Catherine Deneuve. Sans excès d’imitation, ils sont là. Entre ses souvenirs de cinéma se glissent discrètement des fragments de sa vie. Ils le renvoient à sa jeunesse, ils soulignent le temps qui passe et ils justifient son choix d’être acteur. « Sur scène on se sent être la version vraie de soi-même ». Émouvant et drôle, il est formidable.

Micheline Rousselet

Du 20 au 24 mai au Théâtre 14, 20 avenue Marc Sangnier, 75014 Paris, Réservations : 01 45 45 49 77

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