Lionel et Elizabeth, un couple de baby-boomers, jeunes retraités, ont invité leurs trois enfants dans la maison de famille dans la campagne du Perche. Ils envisagent de vendre cette maison pour pouvoir voyager et vivre leur vie. Cela ne commence pas très bien, l’apéro s’éternise car certains sont en retard. Quand ils sont réunis et que le sujet est abordé, chacun d’eux va se découvrir un attachement à cette maison où pourtant ils ne viennent presque jamais. Comme presque toujours dans les familles, le repas est ce moment où se confrontent et s’affrontent les visions du monde de chacun. Un père hédoniste, éternel connecté, amoureux de voyages dont la femme se contenterait bien des plaisirs de son jardin, un fils qui veut créer sa boîte d’informatique et surtout avoir un enfant ce que refuse son compagnon, un autre fils qui ne supporte plus son travail à la banque et voudrait ouvrir un restaurant avec sa femme, projet bien vague puisqu’ils n’ont ni l’argent ni les compétences, et enfin une fille végétarienne, engagée dans des projets humanitaires et militante pour l’environnement qui reproche à ses parents le sort qu’ils ont réservé à la planète par leur consumérisme. Tous les ingrédients sont là pour s’empoigner sur les questions de l’époque sans oublier la forte tempête qui s’annonce.
Joël Dragutin a écrit ici une tragi-comédie qui interroge l’état de nos sociétés occidentales qui se cherchent, coincées entre l’ancien état des choses et l’avenir qui peine à s’imposer. Dans cet entre-deux, elles s’inventent de nouvelles mythologies et se divisent tandis qu’au-dessus d’elles la catastrophe écologique se profile. Autour de la table et à propos du sort de la maison familiale vont s’affronter les points de vue. Même dans les choix qu’il faudrait faire s’ils décidaient de ne pas vendre, chacun envisage sa solution indépendamment des autres et les oppositions demeurent.
La scénographie offre tout l’espace au jardin devant lequel est dressée la table. Seul un pan de la maison normande apparaît sur le côté de la scène dont le fond est occupé par une grande toile des coquelicots de Monet.
Joël Dragutin a choisi et dirigé les acteurs (Odile Frédeval, Gaëtan Garcia, Alexandre Labarthe, Gabriel Le Doze, Alice Rahimi et Maria Trémontels) au plus près de leur rôle. On remarque particulièrement Gabriel Le Doze. Il est avec un naturel saisissant ce père, toujours branché à sa boîte connectée, qui semble tout savoir de lui et répond à toutes ses questions. Il représente le type même du jeune retraité, égoïste et à l’aise, qui loue des pièces de sa maison, part souvent en voyage et traite avec une ironie légère ses enfants ou sa femme. À l’opposé Marion Tremontels incarne Léna, engagée dans des projets généreux, humanitaires ou écologiques, mais dont la radicalité est parfois clivante.
Ce sont nos pareils qui sont sur scène, le plus souvent téléphone en main, chacun enfermé dans ses certitudes et ses préoccupations. Et l’on sort de la salle avec l’envie de discuter avec eux.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 16 octobre à Points communs, Nouvelle scène nationale de Cergy-Pontoise – Théâtre 95, allée des platanes, 95000 Cergy-Pontoise – Réservations : 01 34 20 14 14 – les mardis et mercredis à 19h30, les jeudi et vendredi à 20h30, le samedi à 16h et à 20h30
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
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