Le “Je” qui pense et prend la parole, c’est le personnage créé et interprété par Lauren Houda Hussein qui puise dans ses souvenirs et ceux de sa famille pour raconter l’histoire du conflit entre le Liban et Israël en trois chapitres qui portent les noms de trois villes qui comptent pour elle : Beyrouth, Jérusalem et Paris (en fait plutôt sa banlieue).
Le récit de cette Franco-Libanaise commence en juillet 2006 : elle a 20 ans et se trouve en vacances au Liban lorsqu’éclate la deuxième guerre du Liban. Seule en scène elle convoque son père, sa mère, sa tante mais aussi Hassan Nasrallah, leader du Hezbollah, à la télévision. L’actrice change de voix, de posture : elle incarne tous ces personnages qui, par bribes, nous parlent de la guerre. Histoire subjective.
La construction des chapitres, sous un apparent désordre, est en fait solidement ancrée dans le temps et l’espace. Dans le deuxième chapitre, pendant les 3 minutes qu’il faut pour lire un test de grossesse, elle nous raconte son histoire d’amour avec un Israélien et les affres de culpabilité dans lesquels cette histoire à la Roméo et Juliette la plonge.
Sa réflexion sur la violence, l’amour – qu’elle mène en donnant à voir et à entendre son dialogue avec une psychanalyste ou une cartomancienne – la conduit à finalement s’interroger, dans la troisième partie, sur la place et le rôle de son père dans ces générations d’hommes et de violence. Si cette dernière partie est plus ardue, elle permet au personnage et à l’autrice, par le biais de l’histoire individuelle, de retrouver les questionnements actuels sur les violences intra-familiales et sexistes.
La musique, importante dans le récit, est là, vivante sur la scène grâce à Hussam Aiwat et son Oud. Il ne se contente pas d’illustrer mais apporte aux spectateurs des sons, propices à la réflexion sur le texte. Le spectateur fait des ponts, des liens avec Shakespeare, comme suggéré par le deuxième chapitre mais aussi avec d’autres villes et d’autres guerres, Belfast par exemple.
Lauren Houda Hussein, mise en scène par Ido Shaked, lui-même né en Israël, nous tient en haleine pendant 2 heures 20, crée le rire ou l’émotion. Cette jeune femme gracile réussit à faire vivre sous nos yeux une galerie de personnages hauts en couleur qui peignent une image intime et convaincante du Proche Orient.
Marianne Grissolange Leguen
Le 14 novembre au Safran à Amiens, les 22 et 23 novembre à la Faïencerie de Creil, le 9 décembre à Jean Vilar, Vitry sur Seine, du 12 au 15 décembre à Marseille, le 8 mars à la Courneuve, le 26 mars à Aubusson.
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