Justine sort d’une histoire d’amour avec un garçon et tombe amoureuse de Katia, un amour brûlant.
Justine veut un enfant, Katia trop blessée par la vie est très réticente. L’enthousiasme de Justine la convainc et la conduit à accepter de tenter ensemble l’insémination. Mais c’est Katia qui se retrouve enceinte et Justine la quitte, juste avant la naissance de l’enfant, pour un nouvel amour masculin. Douze ans plus tard Katia apprend qu’elle va mourir. Elle cherche alors un tuteur pour sa fille, pense à son frère, qu’elle n’a pas vu depuis cinq ans. Seulement William est un écrivain cynique et égoïste, un peu trop porté à noyer ses chagrins dans l’alcool.
Alexis Michalik, qui a su nous emporter dans des histoires que l’on n’oublie pas (Le porteur d’histoire, Le cercle des illusionnistes et Edmond en particulier), nous offre cette fois un conte d’aujourd’hui, celui d’une jeunesse qui se cherche, où une femme peut aussi bien aimer un homme qu’une femme et où deux femmes peuvent décider d’avoir un enfant. Pour autant, le sentiment amoureux reste toujours très fort et peut survivre à la séparation et au deuil. Alexis Michalik rend très bien l’éblouissement de cet amour qui fait de Justine et de Katia « des amoureuses de la forêt cosmique » ainsi que le dit William le frère de Katia. Justine se lance avec fougue dans cette nouvelle expérience, Katia, plus circonspecte, finit par se laisser entraîner par le désir d’enfant de sa compagne. L’auteur sait en quelques scènes rapides évoquer ensuite la rupture et l’abandon. La seconde partie plus grave, pose la question de la survie de l’amour en dépit de la mort et celle des responsabilités qu’il faut bien assumer pour continuer à vivre.
Tout commence par une chanson Et pourtant je n’aime que toi que les cinq interprètes de la pièce chantent devant un micro. Ensuite l’histoire avance vite. L’écriture est précise, acérée, l’ironie mordante des répliques de William, masquant une âme d’écorché, emporte le rire avant de laisser place, toujours sous le couvert de l’humour à une acceptation de la mort et à une ouverture nouvelle vers la vie et l’amour. On est au bord des larmes et pourtant la pièce ne sombre pas dans le pathos, grâce à ce personnage qu’interprète Alexis Michalik lui-même. La mise en scène qu’il signe a cette même vivacité. On glisse d’une scène à l’autre à peine une réplique terminée, les situations s’enchaînent vite, un divan ou un lit apparaît et l’on est ailleurs, Katia enfile rapidement une prothèse de ventre plus grosse que la précédente et l’on avance vers l’accouchement et la rupture. La vidéo de quelques images d’actualité marque le passage des douze années.
Aux côtés d’Alexis Michalik, parfait dans ce rôle d’écrivain qui n’arrive pas à sortir de son deuil et a toujours à ses côtés une image pleine de vie de sa femme en train de danser (Pauline Bression), Marie-Camille Soyer incarne une Justine, enthousiaste devant la vie et l’amour, légère, trop légère tandis que Juliette Delacroix fait ressentir le vécu lourd et les inquiétudes de Katia au début de leur idylle puis sa rage devant l’injustice de la maladie qui la condamne si jeune. Amelia Lacquemant (en alternance avec Violette Guillon ou Lior Chabbat) donne de Jeanne, la fille de Katia, le portrait d’une enfant dotée de l’intelligence et de la maturité qui lui permet de faire le poids face à son oncle.
On est emporté par leur histoire et l’on pense aux mots de François Truffaut « Oui, l’amour fait mal : comme les grands oiseaux rapaces, il plane au-dessus de nous, il s’immobilise et nous menace ». Mais dit la chanson, on ne peut pas vivre sans amour.
Micheline Rousselet
Reprise à partir du 19 décembre à La Scala – 13 boulevard de Strasbourg, 75010 Paris – Réservations : 01 40 03 44 30 ou lascala-paris.com – du mardi au samedi à 19h, les dimanches à 15h
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